Dix-septième semaine du procès
Newsletter résumant la dix-septième semaine du procès (03/04/2023)

Bienvenue dans la dix-septième édition de la newsletter de V-Europe. La newsletter de cette semaine est rédigée par l'équipe de défense de V-Europe, qui défend de nombreuses parties civiles pendant ce procès.

Vous souhaitez recevoir cette newsletter par mail ? N’hésitez pas à envoyer un mail à Florian Jehin : florian.jehin@v-europe.org.

Sommaire

  • Lundi 3 avril : témoignages des parties civiles
  • Mardi 4 avril : pas d'audience pour cause de réorganisation
  • Mercredi 5 avril - Jeudi 6 avril : interrogatoire des accusés

Lundi 3 avril : témoignages des parties civiles 

Surprise à l’ouverture de la 17ème semaine : alors que les 31 jurés sont toujours bien présents, c’est le 1er juge assesseur VANWELKENHUYZEN qui est absent et qui se voit remplacer par Mme RAMAEKERS ; le juge assesseur THIBAUT DE SAUVAGE devient ainsi le 1er juge assesseur.

En raison de ce contretemps, la Cour ne siègera pas le mardi 4 avril pour se permettre de pouvoir se réorganiser.

L’audition de l’expert psychologue VAN MEERBEECK, déjà reportée à ce lundi, n’aura finalement pas lieu car cet expert n’était pas disponible : ce sera prévu plus tard.

Osama Krayem n’y participera pas. Salah Abdeslam a répondu qu’il ne savait pas encore s’il y assisterait. Mohamed Abrini, Sofien Ayari, Ali El Haddad Asufi, Bilal El Makhoukhi, Hervé Bayingana Muhirwa, Smail et Ibrahim Farisi ont confirmé leur participation.

La matinée se poursuit avec le témoignage de Madame PAVELESCU Ioana Raluca, qui avait 28 ans au moment des faits. Elle vient de Bucarest en Roumanie, mais vivait à Bruxelles avec son compagnon. 

Le 22 mars 2016, malgré la récente annonce de l’explosion survenue à Zaventem plus tôt dans la matinée, Madame PAVELESCU a remarqué qu’il n’y avait aucune sécurité particulière dans le métro. Ça l’a en quelque sorte rassurée, elle se disait qu’il ne devait rien y avoir de grave. 

Elle est montée dans le 3e wagon, celui qu’elle prend habituellement. Elle était embêtée par un jeune homme qui avait un gros sac à dos. Elle estimait que ce n’était pas très respectueux aux heures de pointes. Elle a failli lui demander d’enlever son sac mais elle a vu une place assise un peu plus loin donc elle est allée s’asseoir. 

À hauteur de la station Maelbeek, elle s’est levée et dirigée vers la sortie pour laisser place à une dame âgée étant donné qu’elle sortait à Art-loi. Ensuite, c’est le noir. « Une fois sortie de la rame, je me suis rendue compte que c’était le chaos. Il y avait énormément de fumée, de débris. Je suis tombée plusieurs fois dans les escaliers. Mon corps était figé, j’étais pétrifiée, j’avais l’impression de courir au ralenti. »

Une fois dans la rue, elle a découvert des dizaines de blessés. C’était irréel, elle était en état de choc. Des gens sont venus vers elle pour l’aider mais elle les a repoussés. Elle s’est mise à courir, elle voulait s’enfuir.

Après avoir tenté de trouver un abri dans plusieurs endroit, elle termine dans les toilettes de l’hôtel Shelton où elle découvre son visage rempli de poussière, de sang. Sa sœur et son beau-frère sont alors venus la chercher. Pendant tout le trajet, elle s’est abaissée comme une fugitive, comme pour éviter des balles.

A la clinique du Lambermont, elle n’a pas pu voir de médecin car elle n’avait pas de rendez-vous, et est donc rentrée chez elle sans savoir ce qu’il s’était passé. Ce n’est que le soir qu’elle a eu le courage de regarder les infos. 

Elle n’a pas pu annuler ses vacances car un attentat terroriste n’est pas un cas de force majeure et ils n’étaient pas morts. Elle s’est longtemps sentie coupable de ne pas être parmi ceux qui n’ont pas survécu. 

Elle a perdu 30% de son audition, et a eu énormément d’autres séquelles. 

La relation avec son partenaire s’est dégradée. Elle comprend car « qui voudrait d’une relation avec quelqu’un d’émotionnellement handicapé ». Son compagnon l’a demandée en mariage à condition qu’elle change et qu’elle sorte de sa bulle. Il lui a demandé de rendre la bague quelques semaines plus tard. 

Elle a vu un psychologue mais a dû arrêter car elle n’avait pas les moyens de le payer, et elle n’a jamais été remboursée pour les consultations. 

Elle a aussi perdu une grande partie de ses amies qui n’ont pas accepté la personne qu’elle était devenue. Elle a fait le pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle afin de tourner la page, laisser derrière elle sa relation amoureuse et ses relations amicales. 

La veille du décès de sa mère, celle-ci lui a donné une broche faite en or fondu (c’est le chiffre 22 placé (face à face) pour former un cœur avec, au centre de ce cœur, un bout de verre de l’explosion qui a été retrouvé sur elle). Elle porte cette broche aujourd’hui.

Une seconde relation a duré deux ans, mais son compagnon l’a quittée car il voulait une relation avec une personne « normale ». A ce moment-là, elle avait décidé de se jeter du 8e étage de son immeuble. Elle a finalement appris qu’elle était enceinte. Son petit garçon s’appelle Noah, en hommage à l’arche de Noé. « Nous vivons tous les deux, je me bats pour lui ».

Il y a 4 mois, elle a fait une crise de panique suite à une « évacuation d’urgence TEST » au bureau. Son employeur, plutôt compréhensif jusque-là, a fini par lui avouer que ses séquelles psychologiques impactaient son travail. Elle s’est donc retrouvée au chômage seule avec son petit garçon. 

Elle interroge les accusés par l’intermédiaire de la Présidente 

« Votre mère vous a-t-elle dit que c’était bien d’ôter des vies ? 

Que feriez-vous si vous aviez la possibilité de revenir en arrière ? 

Avez-vous des enfants ? Que feriez-vous s’ils avaient été assassiné par quelqu’un qui est dans cette salle ? 

Rien ne peut réparer ce qui s’est passé le 22 mars 2016. »

La matinée s’est poursuivie avec le témoignage de Monsieur Frédéric, qui était dans la 3ème voiture du métro à Maelbeek. 

Il a pris le métro le 22 mars 2016 vers 8h30, après avoir déposé avec son épouse leurs 5 enfants au collège et à la crèche. Il a vu un homme avec un gros sac à dos : « Je me suis dit que cet homme avait de la chance, qu’il partait certainement en voyage quelques jours. »

Il discutait avec ses collègues de l’attentat qui venait de se produire à Zaventem juste avant l’explosion, et comprit tout de suite qu’il s’agissait d’un attentat. 

« Je me suis couché au sol dans la voiture pour me protéger des flammes, du blast. J’ai peur. Je me dis que je vais devoir affronter le feu et peut être me battre. Le temps semble s’être arrêté. À cet instant commence une course contre la montre pour la survie. »

Après avoir cassé un carreau du métro pour en sortir, il aide quelque personnes à sortir puis prend la fuite. De peur qu’il n’y ait encore des terroristes en haut de la station Maelbeek, il tente de s’échapper par le tunnel du métro vers la station Art-loi, mais cela lui semblait impossible en raison de la rame déformée. 

Entendant des cris dans la première rame de métro, il aide des victimes à sortir. Il trouve ensuite la sortie de la station : « J’y suis enfin. Je me souviendrai toute ma vie de cet instant. Je peux enfin respirer. »

Un automobiliste le dépose alors à Art-loi, à proximité de son bureau, immaculé de sang et de lambeaux de peau. Ses collègues ont été bienveillants, et un d’entre eux l’a finalement redéposé à Wavre où il avait laissé sa voiture. Il a vomi toute l’après-midi chez lui. Il se rend dans le courant de la nuit à l’hôpital Saint-Pierre où il reçoit un calmant pour dormir. 

Un stress post traumatique lui est diagnostiqué dès le lendemain des attentats. « J’ai sombré dans des abysses jusque-là totalement inconnus. »  La bienveillance de sa femme, de ses enfants, de ses collègues l’a beaucoup aidé. Il a repris le travail après 4 semaines. Cela a été salvateur pour lui. Il a également été suivi psychologiquement pendant des mois. 

« Cet attentat a volé plusieurs années de ma vie mais il n’a pas volé mon âme. Vous n’aurez pas ma haine. Votre salut dépendra de votre volonté à vos amender. 

Mon livre est aujourd’hui fermé mais il est toujours dans ma bibliothèque. Il fait malheureusement partie de ma vie. »

Madame Sophie Geerts a ensuite été entendue. Elle travaillait à l’époque à la billetterie de Brussels Airlines. Après les attentats de Paris, elle avait l’impression avec ses collègues qu’ils seraient les prochaines. « La première bombe explose. Je comprends directement ce qu’il se passe. Mon collègue a pris ma main et m’a emmené voir notre superviseur. Au moment où j’ai posé ma main sur la poignée pour fermer la porte, la 2ème bombe a explosé. La réalité me submerge : je ne vais pas mourir. […] L’intérieur du bureau du superviseur semblait être un cube qu’on secoue. »

Dès que la musique est un peu trop fort, elle doit mettre des protections qui ont été faites sur mesure pour elle. Des feux d’artifice, une salle entière qui applaudit, ce sont des bruits insoutenables pour elle. Elle n’arrive plus à dormir et il lui arrive de crier pendant son sommeil en rêvant de ce qu’ils s’est passé ce jour-là.

« Je n’arrive pas à me concentrer, je n’arrive pas à retenir les choses. J’écris tout car mon cerveau est comme une passoire. »

« Je n’ai pas ressenti un sentiment de vengeance ou d’amertume. Par contre, je me demande parfois quel a été le moment ou le point dans la vie des accusés où ils ont décidé de choisir la voie du terrorisme. » 

« J’ai des problèmes avec mon oreille, j’ai été licenciée deux fois à cause de mon état de santé, je suis restée à la maison, j’ai vu des psychologues, j’ai pris des antidépresseurs. Malgré ça, lorsqu’on me demande comment je vais, je réponds que je vais bien. »

Madame Marie SULEAU était le dernier témoin de la matinée. 

Après avoir déposé sa fille à la crèche, elle reprit le métro à Hermann-Debroux dans la rame n° 3. Ayant entendu parler des attentats à Zaventem, elle ne se sent pas à l’aise dans les transports en commun. 

Asthmatique, elle fit une grosse crise en sortant. Elle ne se sentait pas utile étant donné la présence des secours et a décidé de partir ne se sentant pas en sécurité. Elle a marché sur la Chaussée de Louvain jusqu’à ce que des commerçants l’invitent à rentrer. Ils lui ont donné à boire et à manger. Elle a ensuite pu aller chercher sa fille à la crèche, et est ensuite rentrée chez elle à Liège. 

C’est en regardant les médias, en voyant à quel point cela avait été proche d’elle, en voyant qu’il y avait eu des morts que le stress est monté en elle. 

Elle est retournée à l’hôpital quelques jours plus tard car elle avait perdu sa voix à cause de la quantité de fumée sur ses cordes vocales. Elle a eu des séquelles respiratoires, et on lui a diagnostiqué une bronchopneumopathie chronique obstructive quelques mois après les attentats. 

Fin 2021, elle a commencé à avoir des douleurs dans le dos qui lançaient dans sa jambe. Dès qu’elle s’arrêtait, ces douleurs étaient beaucoup plus fortes. Malgré la batterie d’examens effectuées, rien n’a été diagnostiqué. Il y a une tension, une vigilance qui l’accompagne au quotidien. Elle ne l’empêche pas de vivre mais elle joue un rôle dans ces symptômes qui sont apparus fin 2021. 

« J’étais dans le déni, je me considérais comme extrêmement chanceuse. Je ne me suis pas autorisée à vivre pleinement ce qui était pourtant là. Et c’est pour ça que je suis là aujourd’hui. J’espère vous déposer « ça » et repartir plus légère. […]

Je me sens en colère contre les assurances. Ils vous culpabilisent de ce qu’il vous arrive. On m’a reproché d’aller travailler à Bruxelles alors que j’ai trois enfants et que j’habite à Liège (car cela représente une source de stress). »

Elle estime qu’il y a beaucoup à changer à ce niveau-là. Les assurances devraient s’inspirer un minimum des associations créées pour les victimes. 

L’après-midi a commencé avec le témoignage de Monsieur Fred YOUNG. Il était à l’aéroport pour se rendre aux USA. Son groupe de joueurs de basket devait le rejoindre deux jours plus tard. Il faisait ce même voyage chaque année depuis 20 ans dans le cadre de son activité professionnelle.

Il a perdu connaissance. Il a vu un pied à côté de lui en se réveillant, et a hurlé « GOD HELP US. » Il a rapidement retrouvé sa compagne, qui n’était heureusement pas blessée. Il apprit à l’hôpital qu’un second attentat avait touché le métro. 

Il s’est très vite remis à travailler car il devait annuler le voyage de ses joueurs. 

Monsieur Young a énormément d’acouphènes. Il a des problèmes de mémoire et de concentration. Il a dû être opéré des oreilles avec deux mois de convalescence. C’était très handicapant car il ne pouvait pas entrainer ses joueurs, crier, … Il a été opéré de l’autre oreille 8 mois plus tard. On s’est ensuite rendu compte qu’il y avait des kystes en dessous du tympan, et il a au total dû être opéré 5 fois.

Ces problèmes lui ont enlevé la joie et la facilité des conversations spontanées. Sa voix le perturbe, il n’a pas le même retour qu’avant. 

Il ne fait pas de cauchemars, mais voit encore ce pied nu quand il se réveille. 

Il se sent diminué mais il persiste, il persévère. L’espérance est un sentiment important. 

La dernière victime entendue est Monsieur Mohamed ADOUCHI.

« Je viens témoigner aujourd’hui car je veux poser un poids que je porte depuis des années. Cela fait 7 ans que je me pose des questions, 7 ans que je cherche des réponses. Je ne pense néanmoins pas que j’aurai ces réponses aujourd’hui. »

Quand il termine son shift, il emprunte toujours le même wagon avec la même porte pour descendre au bon endroit à gare centrale. Ce jour-là, il y avait trop de monde donc il est monté dans le 3e wagon au lieu du 2e. Il était sur son téléphone, concentré, en train de lire les informations relatives à l’explosion survenue à Zaventem un peu plus tôt dans la matinée.

Quand il s’est réveillé après l’explosion il n’était plus assis. Il y avait beaucoup de fumée, il ne voyait rien. Il est parvenu à sortir dehors en empruntant l’escalator. Il a essayé d’aider des gens mais il y avait trop de blessés.

« Je me suis retrouvé aspiré dans un système qui m’a pris toute mon énergie. J’avais l’impression que je devais accepter et subir. On a essayé de me rassurer en me faisant prendre des médicaments. Je les prenais en cachette pour faire croire à ma femme que tout allait bien. »

« Les acouphènes sont toujours présents. J’ai passé 17 mois sans dormir. Je faisais des cauchemars. Mais mon plus grand cauchemar c’était les médecins. J’ai cru en eux, j’ai cru en leur parole. Je me sens seul au monde, je n’ai plus le droit de me plaindre car les experts ont décidé que j’allais bien.

À partir du moment où vous êtes indemnisé vous devez être content. Mais l’argent n’a jamais été un remède. Les médicaments n’ont pas aidé m’a santé. Ils ont juste camouflé ma douleur et ma souffrance. Je ne suis plus moi-même. Les anti-dépresseurs ne font plus effet. […] Mon sentiment c’est d’être un infime pion dans un système. […] Chaque justificatif remis j’avais l’impression de quémander.

« Ma vie d’avant je ne la retrouverai plus. […] Une chose est sure madame la présidente : si on a essayé de salir ma religion, c’est raté. Je suis croyant Madame la Présidente, une partie de moi veut pardonner. Je pense tout simplement parce que j’ai besoin de me sentir mieux. Ma religion est une religion de paix, de respect. Dieu est pardonneur alors je vais pardonner. Mais je ne pardonne pas l’acte. »

Mardi 4 avril

Pas d'audience pour cause de réorganisation.

Mercredi 5 avril : interrogatoire des accusés

Cette journée ouvre, par l’examen des personnalités, les audiences d’interrogatoire des accusés, sous la précision qu’O. KRAYEM refuse de répondre et préfère rester au cellulaire.

Nous publierons un résumé complet de la journée au plus vite.

Jeudi 6 avril : interrogatoire des accusés

Cette journée sera consacrée à l’interrogatoire croisé des accusés à propos des faits du 22 mars 2016, pour l’essentiel Zaventem puisque, pour Maelbeek, l’accusé KRAYEM a fait le choix de son droit au silence et est retourné au cellulaire.

ABRINI précise être arrivé de la planque Tivoli à la planque Max Roos le 21 mars 2016 ; il dit avoir pris des « cachets » pour dormir (boîte retrouvée sur place dit-il) et avoir mal dormi la nuit du 21 au 22 mars ; ce n’est pas lui qui a été jeté le matériel informatique dans la poubelle.

EL HADDAD précise avoir passé la nuit du 21 au 22 dans un bar à chicha jusqu’à 4h. du matin, être repassé chez lui et être parti au travail pour son poste de logisticien à l’aéroport de Zaventem où il passe son badge à 6h19 ; c’est fréquent qu’il fasse une nuit blanche, car il dort l’après-midi.

ABRINI soutient que le plan initial était de refrapper à Paris pour l’Euro 2016 afin de l’empêcher ; les plans se sont précipités par l’arrestation d’ABDESLAM.

ABRINI affirme savoir qu’il n’irait pas à PARIS parce qu’il n’était pas d’accord avec certaines choses ; il avait été averti la veille du 22.03 par LACHRAOUI que tous les trois, avec Ibrahim EL BAKRAOUI, agiraient ensemble le lendemain ; il a montré qu’il était déterminé à ne pas vouloir agir ; il ne va pas jusqu’à dire que, grâce à lui, il y a eu moins de morts et de blessés à Zaventem.

Lors de la boisson au Délifrance, il avertit ne pas vouloir se faire exploser, parce que lui ne fait pas cela ; quand il a vu des femmes, des enfants et des vieillards, il a dit que lui ne voulait pas cela (à l’inverse de tuer et d’égorger en zone de guerre comme en Syrie car c’est une guerre homme à homme).

Il soutient qu’il était le premier à devoir se faire exploser dans la file d’embarquement pour les USA, les autres devant enchaîner après avoir entendu l’explosion ; il a décliné ; déjà dans le taxi, il ne parlait pas et réfléchissait à la manière de leur dire qu’il ne voulait pas le faire.

EL HADDAD affirme qu’ils étaient 3 à travailler à Zaventem à avoir été inquiétés dès le moment où l’analyse du PC de la planque Max Roos révélait que « un frère a déjà travaillé et nous a déjà bien renseignés » ; Youssel El Hajmi a bénéficié d’un non-lieu ; il conteste le raisonnement de la Présidente que l’info erronée sur un vol vers la Russie doit provenir d’un renseignement humain erroné plutôt que d’une recherche internet sur les horaires de départ ; il n’a pas le souvenir d’un sms de sa sœur à 7h36 ni de l’objet de la conversation.

ABRINI précise que chacun des 3 était porteur d’un gsm avec les deux autres n°s encodés s’il y avait eu un problème ; il y a eu un arrêt au Délifrance certainement parce qu’il n’y avait pas encore assez de personnes dans les files : Najim LACHRAOUI y branche les piles, il explique qu’il ne veut pas le faire car il voit des femmes, des enfants et des vieillards (comme le pensent les vétérans du djihad).

ABRINI rejoue le couplet de l’inaptitude de la Cour à les juger car il s’agit de gens victimes de la politique étrangère de l’Occident et de la politique étrangère de l’E.I. et le procès n’a, ici, d’autre vocation qu’à rencontrer les exigences de l’opinion publique. La Présidente lui répond fermement en avançant le statut de l’inamovibilité des juges qui n’ont donc pas professionnellement à craindre la teneur de leur jugement, même s’il faut une vigilance de tous les instants pour imposer cette inamovibilité face au pouvoir exécutif.

Ibrahim EL BAKRAOUI décide de le remplacer dans la rangée 11 des USA et lui va, avec LACHRAOUI, reconsulter le panneau des départs ; de manière inexpliquée, ABRINI retourne vers EL BAKRAOUI qu’il sait pourtant sur le point de se faire exploser.

Il dit entendre la bombe, sentir le souffle et la chaleur 12 secondes avant la 2ème explosion pour laquelle il protège ses oreilles par ses doigts dans celles-ci ; il pousse ensuite son charriot contre une pilastre ; il a peur, mais en réalité peur d’être victime ou peur de la Justice ? il répond que son projet depuis qu’il était recherché à la suite des attentats de Paris dont il s’était détourné, était bel et bien de retourner en Syrie où la guerre et le combat contre Bachar-El Assad sont légitimes ; d’ailleurs, il est fier de son petit frère qui est décédé au combat là-bas.

Lui n’est pas d’accord, comme démontré avec Paris, avec les attentats extérieurs organisés par O. ATAR à Paris, à Bruxelles et ailleurs peut-être aussi ; il faut dire que O. ATAR, qu’il n’a jamais rencontré, a été incarcéré à ABOU GRAIB où les détenus furent humiliés et torturés par les américains, ceci, dit-il, sans cautionner les attentats en Europe.

Le trio de Zaventem était armé, sauf lui, dans l’idée de tirer dans les sacs pour provoquer une explosion en cas de contrôle.

Il n’a pas voulu enlever la pile de son sac car cela était trop dangereux : à la question de savoir s’il a assumé le risque de faire encore plus de victimes avec cette 3ème bombe, il répond que voulez-vous, c’était le stress, la panique, les gens criaient et courraient partout.

Il sort et part pour regagner Bruxelles car il fallait qu’il sorte de là.

Aucun plan de retrait n’avait été prévu puisque les 3 devaient mourir ; même lui qui n’avait pas, à l’entendre, la volonté de mourir, il n’avait pas prévu de plan de retrait pour lui-même car dans ces cas-là, c’est comme en cavale, à savoir la débrouillardise.

EL HADDAD confirme avoir été arrêté puis remis aussitôt en liberté pour être ensuite arrêté lorsque l’enquête fait apprendre qu’il travaille à l’aéroport.

A propos de Maelbeek, ABRINI affirme ne pas avoir été au courant du projet même s’il se doute que quelque chose va se passer, sans savoir où et quand, puisqu’il voit Khalid EL BAKRAOUI venir chercher des sacs ; ABRINI affirme n’avoir fait aucun repérage puisqu’il ne sortait pas, se sachant recherché depuis les attentats de Paris.

A la question portant sur la signification d’un enregistrement par la Sûreté de l’Etat de propos échangés par ABRINI et NEMMOUCHE à la prison de Bruges, où ABRINI dit à NEMMOUCHE que Khalid EL BAKRAOUI change de voiture dans le métro pour passer de la 3ème voiture où il y a des arabes pour la 2ème où il y a des personnes en costume qui vont au Parlement européen, ABRINI affirme ne pas avoir dit cela. Il ajoute que, au vu des vidéos, il a le sentiment que l’explosion survient alors que Khalid remonte son sac sur les épaules et non pas actionne le détonateur : il ajoute aussitôt que cela ne change rien car l’auteur allait de toute façon passer à l’action. Il conteste être cité dans la vidéo de revendication.

Sur question du juge assesseur, ABRINI précise avoir porté chapeau et peut-être lunettes pour ne pas être reconnu à l’inverse des deux autres qui savaient que c’était leur dernier jour sur terre. Il affirme que depuis le 13 novembre à Paris, il voulait retourner en Syrie.

Il maintient ne pas avoir été au courant pour Maelbeek, infirmant ce qu’il avait dit en audition le 8 octobre 2018.

Les accusés sont ensuite interrogés sur la succession des planques, depuis la rue Henri Berger à Schaerbeek jusqu’à la rue des Casernes et la rue Max Roos, en passant par l’avenue de l’Exposition à Jette et la rue du Dries.

ABDESLAM n’a connu que 3 planques : la rue Henri Berger au retour de Paris qu’ils ont quittée parce qu’il y avait trop de perquisition dans le quartier, l’avenue de l’Exposition quittée car trop petite et la rue du Dries : il précise que la cellule de Paris accepté de le cacher dans ces 3 planques et qu’il a été condamné par la cour d’assises de Paris pour ces 3 planques : il revient encore sur l’iniquité du procès de Bruxelles puisqu’on y rejuge la même chose qu’à Paris. Il affirme n’avoir jamais rien su de l’appartement de la rue Max Roos et de celui de la rue des Casernes et invoque la preuve qu’il fuit la rue du Dries vers la cave de chez son cousin auquel il impose sa présence

ABRINI, de retour de Paris, arrive à son snack d’où, avant les attaques de Paris, Khalid EL BAKRAOUI l’emmène vers la rue Henri Berger.

Les deux et AYARI disent ne plus savoir qui était vraiment là et quand, vu le nombre de va-et-vient ; AYARI ne souhaite pas répondre sur les planques.

Smaïl FARISI concède avoir donné l’hospitalité rue des Casernes à Ibrahim EL BAKRAOUI qui, comme tout arabe, en a profité pour s’implanter.

EL HADDAD ne comprend pas un prétendu sms ou appel téléphonique de sa sœur Lamya le 22.03.16 à 7h36 alors que la première explosion est à 7h58 (PV 39603/16 dans le module 15)

EL HADDAD dit avoir changé une étiquette sur un clé USB contenant le testament EL BAKRAOUI, car il entendait bien qu’elle ne soit pas analysée par les enquêteurs : il concède que ce n’était pas malin et qu’il n’est pas un génie du crime pour avoir fait cela.

EL HADDAD n’a rien dit aux enquêteurs le 24.03, quand il est interpellé, de ce qu’il sait de l’existence de la rue des Casernes, notamment que les kamikazes y ont logé avant de passer dans la rue Max Roos : il était en panique, entendait se protéger et surtout ne pas mettre son ami FARISI, qui n’a rien à voir dans cette affaire, en difficulté.

ABRINI, pour le volet des armes, dit que Khalid EL BAKRAOUI a amené des armes et qu’il y en a eu partout.

EL MAKHOUKI a un échange téléphonique bizarre (« je suis là » or pas de motif) le 10.01.16 avec BAYINGANA : il change de téléphone et efface le sms.

Dans la voiture d’EL HADDAD a été retrouvé un récépissé de recommandé postal du 19.01.16 (période de pré-préparation du TATP) pour un certificat médical le concernant mais dont l’écriture est, à dires d’expert, celle d’Ibrahim EL BAKRAOUI ; il répond que sa voiture était utilisée par plusieurs personnes.

La fin de la journée a été consacrée à la demande du Parquet fédéral de faire entendre un témoin détenu en France, EL KAZZAMI (3 autres ont refusé), au moyen de la vidéoconférence (article 298, § 1er, 2°, C.I.Cr.) : seuls les conseils de AYARI et EL HADDAD se sont ouvertement opposés à cette requête considérée favorablement par les conseils des parties civiles ; la Cour en décidera ce mardi 11 avril.

Soutien et défense

V-Europe fournit un soutien à toute victime de terrorisme qui le demande. Au moins un de nos coordinateurs est présent chaque jour au procès, et porte une veste blanche distinctive avec le logo de V-Europe dans le dos. N’hésitez pas à leur faire remarquer votre présence si vous le souhaitez. Plus d’informations sur nos coordinateurs sur le site web de V-Europe, en appelant ce numéro : +32 10 86 79 98 ou par mail : info@v-europe.org.

Vous souhaitez être défendu lors du procès ? V-Europe a mis en place un collectif d’avocats qui défendent les victimes pendant le procès. Guillaume Lys, Nicolas Estienne, Adrien Masset et Sanne de Clerck joignent leurs forces pour vous défendre pendant ce long procès. Plus d’informations ici ou par mail à l’adresse 22-3@v-europe.org.  

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Fifteenth week of the trial
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