Dix-huitième semaine du procès
Newsletter résumant la dix-huitième semaine du procès (10/04/2023)

Bienvenue dans la dix-huitième édition de la newsletter de V-Europe. La newsletter de cette semaine est rédigée par l'équipe de défense de V-Europe, qui défend de nombreuses parties civiles pendant ce procès.

Au lendemain du Lundi de Pâques, jour férié, la courte semaine du 11 au 13 avril se consacre à l’interrogatoire croisé des accusés qui s’est imposé en raison de l’impossibilité d’y procéder en début de procès au vu de la problématique des box puis des fouilles à nu.

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Sommaire

  • Mardi 11 avril - Jeudi 13 avril : interrogatoire des accusés

Mardi 11 avril : interrogatoire des accusés

Le compte-rendu de cette journée est partiel. Un compte-rendu complet sera publié au plus vite.

ABRINI retire ce qu’il a dit qu’en janvier 2016, tous savaient dans les planques ce pour quoi ils étaient présents.

EL HADDAD soutient avoir modifié l’étiquette sur une clé USB contenant en réalité des testaments : il dit avoir trouvé cette clé dans sa boîte aux lettres en avril 2016 ; il ne se qualifie pas en génie du crime.

EL MAKHOUKI dit avoir été rechercher les armes rue Max Roos, sans savoir dire où il les a remises. Elles tenaient dans le coffre d’une voiture. Il dit les cacher sans savoir où les remettre. Il dit les avoir cachées avec l’idée de les revendre avant de lui-même partir en Syrie.

Mercredi 12 avril : interrogatoire des accusés

Le compte-rendu de cette journée est partiel. Un compte-rendu complet sera publié au plus vite.

BAYINGANA, ABDESLAM, EL HADDAD et les frères FARISI ne sont jamais partis en Syrie.

A la question du Juge assesseur lui demandant pourquoi il n’est pas parti en Syrie de 2014 à 2015, ABDESLAM oppose que beaucoup de ses amis y ont alors trouvé la mort et que sa propre famille ainsi que sa fiancée l’en ont empêché, soulignant qu’alors le conflit était beaucoup plus porté contre Bachar El Assad avant de connaître une évolution contre ce tyran envers lequel il y avait une vraie obligation de réagir.

A la question du Juge assesseur lui demandant pourquoi il a participé aux attentats de Paris, ABDESLAM répond que, ainsi que l’a dit la criminologue, chacun connaît son parcours d’influences. Pour lui, le déclic fut le départ de son frère Brahim, parti, revenu avec foule d’histoires détaillées qui ont donné de l’ampleur à la chose au point de l’aider, d’aider l’EI, nourri qu’il était de ce sentiment de culpabilité au point de vouloir aider et, au final, se retrouver au 13 novembre.

FARISI confirme n’avoir jamais fait ni prières ni ramadan.

EL MAKHOUKI affirme que le drapeau de l’EI n’était pas partout, contrairement à ce qu’il a pu dire. Il concède la difficulté de se situer quand, des deux côtés, des atrocités sont commises ; il conçoit que ce qu’il dit est difficile à entendre, mais que tel est le motif des bombardements, faute de quoi ils seraient de purs psychopathes.

EL HADDAD serine que EL BAKRAOUI avait un comportement de braqueur et non de radicalisé.

A propos de la traque et de l’arrestation, les accusés donnent des explications, avançant l’absence de plan de repli (alors qu’il y en avait un de prévu pour les armes) sauf à vouloir rejoindre la Syrie avec un canal d’exfiltration via la Turquie qui fut perdu avec l’arrestation de DAHMANI. ABDESLAM pointe que la preuve de cette absence de plan de repli se trouve dans l’obligation qui fut sienne de se terrer dans une cave.

ABRINI raconte son errance depuis Zaventem.

ABDESLAM avance un couplet sur l’indignité de l’État belge d’avoir secouru ses victimes, sur le rôle délétère des assureurs.

Hervé BAYINGANA s’emmêle les pinceaux en affirmant avoir su à qui il avait à faire en accueillant, à la porte (sans prévisualisation ni identification au parlophone), ABRINI puis KRAYEM, dans la mesure où il avait vu, avant 12h, la photo diffusée de LACHHRAOUI à l’aéroport (elle n’a été diffusée qu’à 15h25 !). Il reconnaît finalement hésiter sur l’heure.

Il dit savoir qu’il héberge alors des fugitifs qu’il avait déjà hébergés auparavant et il a donc peur des autorités.

A la question de savoir comment il peut comprendre que son ami EL MAKHOUKI l’ait mis dans pareille situation, H. BAYINGANA répond qu’il ne sait pas ce qui passe par la tête de son ami, ce à quoi ce dernier répond que, pour lui, il demandait à son copain d’héberger deux gaillards pendant deux nuits et c’était tout.

Ismaïl FARISI s’emploie à étayer la démonstration de l’invraisemblance de l’accusation portée contre lui. Son frère Ibrahim emboîte le pas.

EL MAKHOUKI dit avoir retrouvé les armes qu’il devait évacuer mais pas les 25.000 € qui auraient dû être présents. Il fait usage de son droit au silence à propos du cheminement des armes.

ABRINI est confronté aux écoutes de Bruges où il précise que pour le TATP, cela turbinait. Il reste sans réponse sur ce qu’il connaissait. De même, il affirme ne rien savoir de la fabrication alors qu’un incendie d’ampleur a eu lieu.

A l’inverse d’ABDESLAM, ABRINI ne s’est pas vu proposer une action d’éclat.

La Présidente poste alors deux questions identiques à chacun des accusés : quel regard portent-ils en 2023 sur les faits, et quel regard portent-ils sur leur avenir judiciaire et civil.

Les réponses furent très différentes :

  • ABRINI : a lu beaucoup depuis 7 ans : les hommes prennent des décisions et les innocents paient le prix fort. Il n’a ainsi jamais entendu que Poutine était un terroriste. Il ne cautionne pas ce qu’il a vu. Pour lui, ce sont les vieilles idées du combat loyal qui doivent présider, avec les règles à respecter dans le droit de la guerre. Il reconnaît devoir assumer sa grande part de responsabilité, ce qui est son destin. Il aurait aimé revenir en arrière mais il manque beaucoup de personnes dans le box, pas des barbus mais des personnes en costume-cravate. Sur son avenir, sa peine ne ramènera pas les morts, il prendra son mal en patience comme les victimes doivent aussi le faire avec leurs douleurs. Il ajoute qu’il présente ses excuses aux victimes et à leurs proches.
  • ABDESLAM dit plaider l’acquittement en telle sorte que les victimes du 22.03 ne sont pas « ses victimes ». Il concède que s’il sort l’événement du 22.03 de son contexte, il est le premier à condamner ces abominations. Il envisage des études.
  • AYARI tient le discours le plus intellectualisé. La réponse est différente selon que l’on est de tel ou de tel côté de la frontière. A l’époque, il ne voyait qu’un drapeau et une carte, ne voyant rien d’autre, tant était haut le degré d’incompréhension et d’humiliation.  Il est perturbé par ses incohérences dès lors qu’au début, il condamnait les atrocités. Il souhaite la reconstruction pour les victimes et il ne se sent pas légitime à leur dire quelque chose. Il est conscient que son avenir ne dépend pas que de lui.
  • EL HADDAD nie les faits, ce qui lui vaut quand même 2 procès d’assises. Il est dépassé par la situation, il n’a jamais voulu faire de mal à quiconque. Il espère en sortir et fonder une famille.
  • EL MAKHOUKI avance que pour lui, les victimes c’étaient des chiffres alors que depuis leurs témoignages, il se rend compte combien tout cela est cruel même si cette cruauté est le fruit d’autres actes beaucoup plus cruels, espérant que cela ne se reproduira plus. Il ne peut pas être fier d’être dans ce box des accusés. Il dit qu’il assumera sa part de responsabilité et ne sait pas pour son avenir.
  • BAYINGANA dit condamner sincèrement ces attentats, considérant que le procès a vraiment commencé avec les témoignages des victimes, ne sachant pas lui-même quoi leur répondre, se montrant triste même si l’expression est basique. Il se demande comment il a été happé par cette histoire, est-ce dû à sa conversion, à de mauvais amis, à sa fidélité en amitié en dehors de toute connaissance de cause ? Il n’est pas la première victime mais en est plutôt une de son amitié. Il souligne le soutien de sa famille dans l’épreuve.
  • Smaïl FARISI trouve tout cela juste absurde.
  • Ibrahim FARISI ne cautionne pas ces faits, il n’est pas de cette idéologie. Il veut que justice soit faite, aller vivre ailleurs peut-être (sauf en Syrie).

Les questions des jurés, toujours au complet à 31 depuis les 5 premières défections, sont d’intérêt varié. 

EL MAKHOUKI botte en touche sur le sort des armes récupérées, alors qu’il a parlé d’une vague d’attentats.

ABRINI n’est pas retourné de Zaventem à la rue Max Roos car c’est là que le taximan les avait pris en charge.

ABRINI n’était pas en conversation téléphonique au Délifrance : le gsm ne servait qu’à synchroniser les heures de chacun pour actionner les bombes.

EL HADDAD ne sait pas expliquer son ADN sur un gobelet à Max Roos.

ABDESLAM dit savoir que ce n’était pas une difficulté de se présenter à l’EI, après son parcours raté qui lui a valu d’être accueilli fraichement en Belgique, parce que tout le monde n’est pas fait pour une opération martyr : il tient cette certitude de EL BAKRAOUI.

Il y avait un responsable pour chaque planque : BELKAID, rue du Dries.

ABRINI concède qu’il y aurait eu plus d’attentats en cas d’absence d’arrestation d’ABDESLAM. L’argument selon lequel des proches, amis, frères (un a travaillé là-bas 22 ans), musulmans, … pouvaient être présents à l’aéroport était inaudible pour les deux autres terroristes de Zaventem. Cela l’a tracassé la veille. 

ABDESLAM ne sait toujours pas de qui, supérieur, venait l’imposition d’une mise à l’épreuve le concernant.

Jeudi 13 avril : interrogatoire des accusés

Le compte-rendu de cette journée est partiel. Un compte-rendu complet sera publié au plus vite sur notre site web.

Le Parquet fédéral reçoit confirmation d’ABRINI que ce dernier n’a bizarrement pas, à l’inverse d’ABDESLAM, reçu des gages quant à son engagement pour la cause. Il dit n’avoir pas eu le choix de suivre lorsqu’on est venu le chercher à son snack après son implication avortée à Paris.

S’ensuivent ensuite les questions posées par les parties civiles aux accusés.

Me MASSET et Me LYS pour V-EUROPE posent des questions pertinentes :

  • ABRINI laisse sans réponse la question de la pertinence d’avoir autant de TATP pour le mois de juin 2016 à l’Euro de foot, si lointain depuis les préparatifs de janvier-février.
  • ABRINI, embrayé par ABDESLAM, se dit scandalisé par les sorties médiatiques de Me LYS qui ne penserait qu’à doper sa publicité.
  • ABDESLAM se gargarise de son super argument-alibi d’être en prison le jour des attentats.
  • ABDESLAM convoque de précédents témoins que la revue DABIQ présente des erreurs de casting en raison de ses interventions de supporter.
  • AYARI soutient que c’est une erreur de croire qu’ABDESLAM est venu le chercher en Hongrie. Il refuse de répondre encore à la manière dont il fut missionné.
  • EL MAKHOUKI ne veut rien dire sur le cheminement des armes récupérées car cela implique d’autres personnes, même s’il est conscient que ce mutisme ne sert pas sa défense d’accusé. Il peut juste dire que cela est reparti dans le milieu criminel, pas terroriste.

Me COLETTE-BASECQZ, seule présente pour Life4Brussels, entend poser des questions qui sont, pour la presque totalité, refusées par la Présidente, car déjà posées, ou sans pertinence, ou imprécises. La seule question posée est de savoir pourquoi les accusés n’ont pas choisi d’autres solutions, pacifiques, après les bombardements de la coalition. AYARI tourne en dérision qu’il ne se voyait pas les arrêter en défilant en rue à Raqqa avec un panneau appelant à la pacification.

Me MINDANA demande à chacun des accusés s’ils entendent demander pardon. La réponse n’est jamais sortie en tant que telle, beaucoup opposant que pareille demande est substantiellement en conflit avec leur déni de culpabilité voire avec la présomption d’innocence (selon ABDESLAM, FARISI et EL HADDAD), alors que des réponses plus remarquables furent opposées :

  • ABRINI répond à cette question déjà posée à Paris qu’il a accepté l’intervention du service MEDIANTE pour rencontrer des victimes de Paris. Il dit préférer recevoir une gifle qu’entendre le pardon
  • ABDESLAM convoque l’épreuve de la confrontation à soi-même, depuis 7 ans, dans une cellule de 9m2, affirmant que le fardeau des victimes le pèse en plus de l’incarcération et affirmant que des personnes se suicident aussi en prison
  • EL MAKHOUKI dit avoir envie de demander pardon mais il faut que cela vienne de manière spontanée pour ne pas paraître opportuniste, alors que, pour l’instant, l’élan n’est pas encore là
  • BAYINGANA dit regretter et présenter ses excuses comme il le fit depuis sa première audition. Il a une part de responsabilité malgré lui
  • AYARI dit ne pas avoir envie. Il dit ne pas pouvoir être satisfait quand il voit et entend les victimes. Il leur souhaite de pouvoir se reconstruire
  • Smaïl FARISI n’a pas d’excuse à présenter car il se dit innocent. Il n’a pas non plus envie de payer pour … la seconde guerre mondiale et Hiroshima

D’autres questions sont encore posées par quelques autres conseils de parties civiles dont on retiendra que EL MAKHOUKI n’a pas hébergé chez lui car il vivait chez ses parents auxquels il voulait éviter la présence de ses amis. Il se dit désolé pour son ami BAYINGANA qu’il a ainsi mis dans l’embarras.

ABRINI et ABDESLAM avaient le projet de partir en Syrie pour y vivre leur religion, sous la loi divine pour être cadré (ABRINI dit avoir besoin de cadres : il ajoute qu’il a volé toute sa vie mais qu’il n’aurait pas volé en Syrie car là-bas le voleur voit sa main directement coupée. ABDESLAM dit vouloir y trouver paix et sécurité en lui évitant une arrestation).

A la question du père d’Aline BASTIN, AYARI déclare que peu importe nos analyses géopolitiques puisque pour lui, ce qui importait était sa propre motivation.

Au rang des questions des avocats des accusés, d’inégal intérêt, Me PINILLA pour ABRINI soutient que son client, au poste de police, a entendu sabrer le champagne à son arrestation, soutient qu’il a été humilié, notamment par de la présence d’urine sur le Coran qui était dans ses effets transférés de la prison de Bruges à celle de Beveren. ABRINI fut une charge, un fardeau pour les 2 autres le jour du 22.03. Si c’était à refaire, il n’avertirait ni la police, ni les secours, ni un passant à Zaventem car c’était la panique et, d’ailleurs, même les démineurs n’ont pas réussi à désamorcer sa 3èmebombe.

Me DE TAYE pour EL HADDAD insiste sur la teneur du jugement hollandais qui profiterait tant, en fait, à son client. Alors que son client travaillait à l’aéroport sur le tarmac, il aurait pu faire entrer des objets dans les avions et il n’en a jamais rien fait, même à la demande de tiers.

Au rang des commentaires, le magistrat fédéral B. MICHEL abasourdit l’assemblée en critiquant ostensiblement la teneur du jugement d’acquittement prononcé aux Pays-Bas à propos des armes qui auraient servi pour le commando de Paris, violant de la sorte l’autorité de la chose jugée et ouvrant béante une brèche pour la défense qui a ainsi beau jeu de critiquer la teneur du jugement de la cour d’assises de Paris ou le jugement du tribunal de Bruxelles dans l’affaire de la rue du Dries.

Soutien et défense

V-Europe fournit un soutien à toute victime de terrorisme qui le demande. Au moins un de nos coordinateurs est présent chaque jour au procès, et porte une veste blanche distinctive avec le logo de V-Europe dans le dos. N’hésitez pas à leur faire remarquer votre présence si vous le souhaitez. Plus d’informations sur nos coordinateurs sur le site web de V-Europe, en appelant ce numéro : +32 10 86 79 98 ou par mail : info@v-europe.org.

Vous souhaitez être défendu lors du procès ? V-Europe a mis en place un collectif d’avocats qui défendent les victimes pendant le procès. Guillaume Lys, Nicolas Estienne, Adrien Masset et Sanne de Clerck joignent leurs forces pour vous défendre pendant ce long procès. Plus d’informations ici ou par mail à l’adresse 22-3@v-europe.org.  

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Dix-septième semaine du procès
Newsletter résumant la dix-septième semaine du procès (03/04/2023)