Vingt-huitième semaine du procès
Newsletter résumant la vingt-huitième semaine du procès (19/06/2023)

Bienvenue dans la vingt-huitième édition de la newsletter de V-Europe. Cette newsletter est longue. Elle reprend les plaidoiries de la défense pour une partie des accusés. Il n'y a pas eu d'audience le lundi 19 juin afin de laisser aux avocats de la défense le temps de préparer leurs plaidoiries.

Vous souhaitez recevoir cette newsletter par mail ? N’hésitez pas à envoyer un mail à Florian Jehin : florian.jehin@v-europe.org.

Sommaire

  • Mardi 20 juin : plaidoirie de Me PACI et Me BOUCHAT (ABDESLAM)
  • Mercredi 21 juin : plaidoirie de Me DE BLOCK et Me DE TAYE (EL HADDAD)
  • Jeudi 22 juin : plaidoiries de Me COHEN (EL MAKHOUKHI)

Mardi 20 juin : plaidoiries de Me PACI et Me BOUCHAT (ABDESLAM)

Le procès a repris le mardi 20 juin avec les plaidoiries de la défense. Me PACI et Me BOUCHAT, avocats de Salah ABDESLAM, ont débuté ces plaidoiries. Les propos repris dans la newsletter sont basés sur la plaidoirie des avocats de la défense sans pour autant en être une transcription exacte, comme pour les newsletter précédentes. Les propos donnés ci-dessous ne reflètent pas l’opinion des auteurs de la newsletter.

Ces attentats sont choquants, insoutenables, avec des conséquences abominables pour les victimes. Le 14 novembre 2015, Salah ABDESLAM est identifié. Il devient l’homme le plus recherché d’Europe, le visage incarné de l’horreur. Il va devenir un symbole : l’homme à abattre mais à garder en vie à tout prix. Il n’aurait jamais été poursuivi dans ce dossier s’il n’incarnait pas ce symbole d’ennemi d’État.

Les victimes attendent qu’on condamne tout le monde. Personne ne va oublier les témoignages des victimes, les plaidoiries des parties civiles mais mettre du baume au cœur des victimes n’est pas votre travail. Le chantage affectif est un argument pour essayer de vous cadenasser. On vous a fait un chantage à la légitimation. Ils légitiment et donc ils justifient. Non, on ne justifie rien. On peut comprendre sans excuser et excuser sans comprendre. 

Nous dirons les choses même si elles sont difficiles à entendre, si elles vont à contre-courant de l’opinion publique. 

Le 14 novembre 2015, ABDESLAM revient en Belgique en fuite depuis Paris. Le 18 mars 2016, il est arrêté. Le 19 mars, il est inculpé comme dirigeant d’un groupe terroriste mais cette qualification tombe par la suite. 

Tout le monde connait le nom d’ABDESLAM, ABAOUD est moins connu alors que son rôle est plus important, et ne parlons pas d’ATAR. Beaucoup de gens ont été convoqués et ne savaient pas pourquoi car ils ne connaissent pas le nom d’ATAR. 

Il est faux de dire que les débats n’intéressent pas ABDESLAM. L’homme est un animal social, il n’a parlé à personne pendant 7 ans, alors oui ici il discute. 

[Les avocats ont ensuite parlé du procès de Paris et ont émis des critiques sur le jugement rendu, notamment au niveau de l’indépendance de la justice]

Certains accusés ont voulu vivre dans un État qui n’applique pas l’État de droit. Alors pourquoi on leur appliquerait nos principes s’ils n’en voulaient pas ?

Il y avait la déception de Paris, et donc il y avait de la crainte pour ABDESLAM de parler ici. Mais en Belgique, tout le monde a été écouté. ABDESLAM a parlé avec son cœur et il a pu être maladroit. Ici, toutes les opinions ont eu le droit de s’exprimer et c’est ça qui est important. Pourquoi le contexte est si important ? Parce qu’il est innocent pour Bruxelles. 

Je ne vais pas prendre la défense de l’EI mais ce n’est pas l’EI qui est en procès ici. On ne dénie pas les éléments contextuels dans les procès d’extrême droit alors pourquoi le fait-on ici ? Le terrorisme n’est pas une invention des islamistes. 

On ne tente pas de légitimer, mais d’expliquer pourquoi des jeunes ont pu être séduits par cette idéologie. Les attentats suicides sont de plus en plus fréquent avec la mécanisation de la guerre. L’EI a revendiqué 108 attentats commis après les bombardements de la coalition alors qu’on ne nous dise pas qu’il n’y a pas de rapport. En s’engageant, l’idée est de faire pression sur une population pour faire pression sur un État. Ce n’est évidemment pas légitime et on ne répond pas à la violence par la violence, mais il faut arrêter de dénier cette conscience géopolitique aux accusés. Il ne faut pas généraliser, il faut singulariser. 

La fusillade du Dries a déjà été jugée alors qu’elle est dans notre période infractionnelle. Il fallait joindre les dossiers s’il y avait un lien si évident. C’est du shopping judiciaire. Aujourd’hui, on nous dit que ceux de la rue du Dries ne sont pas en fuite de Paris mais font partie d’une deuxième cellule. Il a fallu attendre le jugement de la rue du Dries pour avoir cette lecture. Cette procédure est hors des clous, c’est un manque de loyauté de la part du parquet. 

ABDESLAM n’a jamais été inculpé pour assassinats mais uniquement pour participation aux activités d’un groupe terroriste. Il n’était pas sous mandat d’arrêt dans ce dossier. La Chambre du conseil et la Chambre de mises en accusation, elles ont eu une vision très extensive du dossier, rappelons que les FARISI, le parquet n’en voulait pas ici. 

Cela fait 7 ans que le parquet est dans le dossier, et ils ont réalisé un réquisitoire remplit de contre-vérités. 

D’abord on nous dit que si ABDESLAM voulait aller en Syrie, il aurait pu s’y rendre sans problème comme ALCALD et DAMANI. Sauf qu’ALCALD repart avant le 13 novembre et se fait tout de même arrêter en centre de détention pendant une dizaine de jours et DAMANI s’est fait arrêter en Turquie et il y a été jugé. 

On se trompe également sur le nombre d’armes : on dit qu’il y a trois armes à la rue du Dries, une par auteur. C’était le cas au moment où ils habitaient à 6, mais une arme est retirée lors du déménagement. Il n’y en avait donc plus que deux à la rue du Dries. 

On nous dit que tout était prêt, qu’ils avaient le matériel, donc ABDESLAM qui a son arme et qui n’est pas mis de côté. C’est faux, ABDESLAM n’a pas d’arme, il n’y a pas ses empreintes sur les chargeurs. Il n’est pas présent dans un appartement conspiratif, ce n’est pas la rue du Dries, c’est la rue Max Ross. Dries, c’est une planque et pas un appartement conspiratif. 

On ajoute des morceaux d’audition. On fait une soupe dans les éléments de faits mais aussi une soupe juridique. 

La pétition de principe : ABDESLAM sait tout, il a participé aux discussions. Le risque est très grand d’envie de vengeance et de s’asseoir sur nos principes. 

Il n’a pas du tout le même profil que les autres. S’il avait été aussi déterminé, il serait mort. C’est un profil très particulier d’un petit gars qui s’est radicalisé, qui a suivi son frère et qui n’est pas parti en Syrie. Il oscille entre le petit gars de Molenbeek et le soldat de l’EI et sa carapace se fissure. Il faut replacer votre analyse à hauteur d’homme. 

[Me BOUCHAT rappelle que le parquet fédéral ne voulait pas d’un jury populaire.]

Ils ont appelé à une réforme judiciaire pour éviter le jury. Lors de sa constitution, le Standaard écrivait : « Le jury sera-t-il le talon d’Achille du procès des attentats ? ».

J’ai accepté de défendre cette cause car j’ai estimé que sa cause était juste. Sinon, j’aurais refusé. Je n’ai pas considéré qu’il n’y avait rien à dire mais qu’il y avait une argumentation à développer. Il n’est pas coupable de participation aux assassinats et aux tentatives. 

Il faut éviter les amalgames, « ils étaient tous dans les caches donc ils sont tous coupables ». On ne sait pas très bien qui a fait quoi mais finalement ABDESLAM, il a fait quoi ? Le fait d’avoir été présent suffit ? Sans se poser les questions d’imputabilités ? 

Quid de la culpabilité ? Il ne faut pas s’arrêter à un fait quelconque. Il faut lire la suite de l’art. 66 CP à savoir que le fait est tel que sans l’acte posé le crime n’eut pu être commis. Quel est l’acte posé par ABDESLAM sans lequel les crimes n’eurent pu être commis ? Il en va de même pour l’abstention. Le lien causal doit être certain. L’abstention doit être efficiente. Est-ce que dans les attentats du 22 mars, ABDESLAM ou pas ABDESLAM, ça aurait changé quelque chose ? Le fait d’être caché dans une planque n’est pas un acte de participation à la commission d’un ou des attentats. 

Quels sont les éléments à la rue du Dries ?

  • On parle d’une guirlande de Noël à la rue du Dries, mais est-ce qu’on sait si c’est une guirlande électrique ou non, avec des ampoules ou non ? Non, on ne sait rien, il n’y a même pas une photo. On ne peut pas vous demander de juger dans ses conditions. 
  • Un rouleau à pâtisserie : Ce dernier n’est pas utilisé. De plus à l’appartement on retrouve de la levure, du lait, des œufs, est-ce pour faire une bombe ça ? 
  • La bombonne de gaz a une raison, elle est connectée à la cuisinière. Or, elle a été achetée le jour de la coupure de fourniture d’énergie par Lampiris. Pourquoi cette interprétation : « c’est pour faire une bombe ». Il y a une autre explication tout à fait valable. Dire que c’est pour une bombe n’a pas de sens par rapport aux faits. Il n’y a pas de foreuse pour faire des trous. 
  • Les feux d’artifices : Cette boite n’est pas ouverte. 
  • Les détonateurs : Ils ne sont pas comparables à ceux utilisés dans les bombes de Maelbeek et Zaventem. 

L’instruction conclut que « Le matériel retrouvé à la rue du Dries n’est pas compatible avec les faits de Maelbeek et Zaventem ». Les propriétaires de la rue du Dries n’ont jamais été interrogés pour savoir si cela leur appartenait. Est-ce que cela ne proviendrait pas de la rue Henri Berger, lieu conspiratif des attentats de Paris, ou de la rue de l’Exposition à Jette ? Pourquoi ces questions ? parce qu’on retrouve à la rue du Dries des traces ADN, biologiques, des kamikazes de Paris. Le 15 mars 2016, on retrouve des traces des morts du 13 novembre 2015 ? Il y a des éléments biologiques mixtes notamment sur les fils des détonateurs mais pas ceux des accusés. 

Les lettres qu’on retrouve à la rue du Dries, elles ne sont pas datées. Dans le contenu, on peut retenir : « ton fils Brahim, ne s’est pas suicidé, il a tué et a été tué. Sache que tes deux enfants ont combattu pour Allah ». « On nous traite de terroristes mais sache que nous avons seulement terrorisé les mécréants car la France est un pays qui combat l’Islam, j’ai fait ça pour Allah, c’était mon choix mais aussi le choix d’Allah ». Le contenu de ces lettres est lié à Paris et non à Bruxelles. Ces lettres sont étrangères aux faits que vous avez à juger. Idem concernant le PC de la rue du Dries. Il a été saisi dans le cadre du dossier de Paris et non de celui de Bruxelles. 

Les équipements de guerre ont été recherchés avant le départ du reste de la cellule pour la rue Max Roos. Qui a donc consulté cette information ? Dans les constatations, on souligne que le PC de la rue du Dries n’a pas été utilisé pour la préparation des attentats de Bruxelles. 

ABDESLAM n’est pas concerné par les projets futurs d’attentats. Il n’y est pas intéressé. Et même s’il est intéressé, encore faut-il avoir fait quelque chose. 

Les armes : Ces armes étaient à disposition pour résister à l’intervention policière à tout moment. KRAYEM a expliqué qu’ils s’attendaient à une intervention à tout moment. Pourquoi vouloir lier ces armes à un projet d’attentat ? Les armes potentielles pour l’attentat, elles ne se trouvent pas à la rue du Dries. 

Si BELKAID n’est pas concerné par les attentats de Bruxelles comme le soutiennent les juges d’instruction et le parquet fédéral, comment conclure qu’AYARI et ABDESLAM le sont. Le 15 mars, ils prennent la fuite pour se retrouver dans une cave. Pour la rue du Dries, BELKAID, décédé, était couché sur le réquisitoire pour constater que l’action publique était éteinte. Mais il n’y a pas d’action publique contre lui dans le dossier du 22 mars, on ne demande pas que l’action publique soit éteinte parce qu’il n’y a pas d’action publique. On ne lui reproche pas d’avoir fomenté des projets d’attentats quel qu’il soit, alors qu’il est à la rue du Dries. 

Dans les déclarations d’ABRINI, il n’est pas toujours simple de s’y retrouver, il a dit tout et son contraire. ABRINI parle de l’euro 2016 mais selon la juge d’instruction, il faut tempérer car il dit qu’AYARI et ADBESLAM n’ont rien à voir dans les projets d’attentats. KRAYEM soutient également qu’il n’y avait pas de projets d’attentat à Dries, c’est en arrivant à Max Roos qu’il a compris. Il n’y avait pas de préparatifs ou quoi que ce soit à la rue du Dries. La vie est normale, on fait du vélo pour passer le temps.

ABRINI a également déclaré qu’il ne pensait pas qu’ABDESLAM était au courant car rien n’était mis en place à ce moment-là. Sur interpellation, il ajoutera : « bien sûr ABDESLAM était mis au parfum, il était prévu pour les attentats ». Sur nouvelle interpellation : « tous ceux qui étaient dans les caches étaient prévus pour les attaques ». Sur une demi-page, il dit tout et son contraire. 

ABDESLAM est un looser pour les membres du groupe. Pour KRAYEM, c’est un pauvre type qui n’est pas allé jusqu’au bout : « Salah ABDESLAM n’est pas digne d’être à nos côtés ». Cela montre sa non-intégration dans la nouvelle cellule. Il n’avait pas sa place dans d’une cellule de l’EI. Les décideurs n’ont pas voulu d’ABDESLAM à la rue Max Roos car il n’était pas fiable. Il est laissé à l’écart des projets et de leur exécution. 

Pour LAACHRAOUI et EL BAKRAOUI, en abandonnant son arme, ABDESLAM n’a pas agi comme un combattant.

Lorsqu’il fuit le 15 mars, il cherche un endroit où se cacher mais il ignore l’existence de la rue Max Roos et de la rue des Casernes. Il ignore l’existence de la rue Max Roos et par extension de ce qui s’y trame. Lorsqu’il se rend chez son cousin, ABERKANE, il lui dit que c’était son ultime espoir et qu’il ignorait où était les autres membres du groupe. 

On vous présente une cellule compacte dont tous les membres agissent dans le même sens. Ceux qui voulaient passer à l’action n’ont pas voulu d’ABDESLAM, ils lui ont caché l’existence de cette adresse. Il ignorait donc non seulement l’adresse mais également ce qu’il s’y passait, c’est extraordinaire si on est face à une cellule compacte. 

Depuis le déménagement à la rue Max Roos, il n’y a plus de tension, cela va mieux. Mais pourquoi cela va mieux, il n’y a plus personne pour les retenir dans leur projet. On ne retrouve aucune trace ADN de Salah ABDESLAM à la rue Max Roos.

Il n’existe aucun moyen de communication entre les habitants de la rue du Dries et de la rue Max Roos. Les trajets d’EL BAKRAOUI vers la rue du Dries se sont produits avant le déménagement, jusqu’à la veille de celui-ci, et certainement pas pour voir ABDESLAM mais pour voir LAACHRAOUI.

Dans les audios, on ne fait pas référence à ABDESLAM. Ce qui va accélérer les attentats, ce n’est pas la rue du Dries mais la publication, le 16 mars, des photos des frères EL BAKRAOUI dans la presse. 

Le 19 mars 2016, ABDESLAM est entendu dans le cadre du dossier des attentats de Paris. On lui rappelle ses droits à savoir le droit au silence. Quelles conséquences peut-on en tirer pour une condamnation ? Il convient de respecter la liberté de se taire. Il est paradoxal de le présenter comme un droit fondamental pour ensuite utiliser ce silence contre lui. C’est une règle fixée par la loi, c’est un droit. Se taire n’est pas un acte de participation. 

Mais que savait-il le 19 mars de ce qu’il se préparait à la rue Max Roos ? Il ignore tout du processus mis en marche. Le fait de retenir cela comme élément de culpabilité est non seulement contraire au droit mais en plus, c’est lui faire un mauvais procès. La question fondamentale, c’est de savoir ce qu’il savait. 

Le 17 juin 2019, il est inculpé pour participation aux activités d’un groupe terroriste. Les juges d’instruction attendent 13 mois avant de constater qu’ils ne disposent d’aucun élément pour inculper ABDESLAM pour participation aux assassinats et aux tentatives. Or, le 27 juin, les juges d’instruction clôturent leur instruction. Il ne peut pas être tenu responsable comme coauteur pour les assassinats et les tentatives d’assassinats. 

Il a toujours dit qu’il avait renoncé à Paris et la Cour ne l’a pas cru. Il est impossible de savoir s’il a essayé d’activer sa ceinture ou non même si elle est défectueuse. Pourquoi enlever cette pile si ce n’est parce qu’il matérialise, à ce moment-là, l’envie de ne pas tuer ? Mais surtout, personne n’a vu quelqu’un s’écriant « Allahu Akbar » et puis qui ne se passe. « LAACHRAOUI et EL BAKRAOUI lui ont dit à Salah, pourquoi tu n’as pas utilisé une cigarette ou un briquet. Et là Salah, il ne savait pas quoi répondre ». ABDESLAM, il suivait surtout son frère. Brahim ABDESLAM est parti en Syrie mais ce n’est pas le cas de Salah.  

Il n’a jamais été prévu pour être dans les caches. Il se retrouve à la rue Henri Berger pour se planquer. Il met la cellule en danger puisqu’il est recherché de partout et tout le monde a des doutes sur ce qu’il s’est produit à Paris. 

Le parquet fédéral nie le cloisonnement mais c’est la prémisse fausse de tout le raisonnement. Ce n’est pas l’analyse que les juges d’instruction ont faite du dossier. A Dries, ils voulaient tous partir parce qu’ils entendaient les voisins. Alors, est-ce qu’on va prétendre que les voisins savaient ? Si on veut être discret, même dans un appartement bruxellois, on peut l’être. 

Oui il y a eu des visites d’EL BAKRAOUI mais ce n’était certainement pas pour ABDESLAM. Lorsqu’ils discutent, ABDESLAM n’est pas présent. Le parquet va jusqu’à nier le cloisonnement alors que cela ressort du dossier. On va jusqu’à dire qu’il va chez ABERKANE car il pourrait les mettre en contact avec ABRINI mais c’est faux. ABERKANE est sur écoute et il n’y a pas de contact avec ABRINI sinon, on l’aurait su. 

Le cloisonnement existe car la cellule ne lui fait pas confiance. Il a rejoint la rue Henri Berger en prenant le risque de tous les cramer. On veut absolument le récupérer uniquement parce qu’il est devenu le visage médiatique. Pour nier ce cloisonnement, les éléments retenus sont les déclarations d’ABRINI. Depuis l’arrêt Graindorge, on ne peut plus condamner quelqu’un uniquement sur la base des déclarations d’un co-prévenu. Pourquoi ? Parce qu’il a le droit de mentir. Pour le parquet, ABRINI ment comme un arracheur de dent, mais jamais quand il s’agit de charger les autres. 

Après avoir nié le cloisonnement, on avance qu’ABRINI et ABDESLAM sont interchangeables. C’est uniquement pour séparer KRAYEM et ABDESLAM que c’est ABRINI qui part. C’est purement spéculatif. ABRINI et ABDESLAM n’ont pas le même profil. ABRINI a cinq ans de plus, c’est l’ami de Brahim. L’un est parti sur zone, l’autre pas. 

Est-ce qu’il y avait un projet en cours avant son arrestation ? Peu importe. Certes, il y a des achats dès le 5 mars. Mais l’important ce n’est pas depuis quand le projet existe mais est-ce que lui est au courant. C’est tout, il faut individualiser. Qu’est-ce qu’on a comme élément concret à part du purement spéculatif pour soutenir qu’il était au courant ? 

On va aborder le contenu des PC. Ceux qui utilisent les PC, ce sont les émirs. 

Le parquet va dire que lorsqu’on effectue une recherche, tout le groupe est là. 

  • Ouverture du fichier métro le 10 janvier : Mais il est où ABDESLAM à ce moment-là ? à Dries, à Jette ? Et le PC, il est où ; à Dries, à Casernes ? Et même si les deux sont à Dries, qui nous dit qu’ABESLAM est devant l’écran lors de l’ouverture du fichier. Cela fait beaucoup de questionnement pour une affirmation. 
  • Dossier avec son nom dans le PC Dries : dans ce fichier, il n’y a pas de contenu problématique. Ce sont les seuls visionnages qu’on peut associer à ABDESLAM. 

Lui à qui on ne fait pas confiance, on va lui dire : viens, prend une chaise et viens avec nous. L’histoire du brainstorming, c’est contraire au fonctionnement même de la cellule. C’est tout globaliser alors qu’on vous impose d’individualiser.

Par ailleurs, s’il écrit ces textes, cette lettre à l’émir, c’est un gage. Quand on lui demande de participer seul, pour lui ce n’est pas possible. Il fait marche arrière. Et Daesh accepte qu’on fasse marche arrière car il doit se baser sur des gens solides. On ne peut pas déduire de cette lettre sa détermination pour toute la période. A trois reprises, il a voulu partir en Syrie : avant Paris, à la rue Henri Berger et à la rue du Dries lorsqu’on lui dit d’agir seul. 

La question n’est pas de savoir si ABDESLAM est radicalisé, c’est de savoir s’il a participé aux attentats du Bruxelles. Est-ce qu’on peut déduire de ces lettres la volonté de participer à un second projet ? Non. Ces lettres montrent certes son engagement, mais pas sa volonté de tuer. En revanche, il y a des éléments qui confirment sa volonté de partir en Syrie.

Il y a également son profil de personnalité. C’est quelqu’un qui veut revoir sa famille. Le 15 mars, ça aurait pu être un carnage. Il n’y a que BELKAID qui va au combat. L’autre tireur, il est derrière la porte, on ne sait pas qui c’est. Ils n’attendent pas le retour de la police, ils prennent la fuite. Pour un gars déterminé, on fait mieux. On voit la différence avec BELKAID dont le souhait était d’être tué ici. Mais KRAYEM nous dit qu’ABDESLAM n’avait pas atteint ce niveau de foi. Les gens déterminés, ils vont au combat final, pas en cavale. 

Mais ABDESLAM attend, il n’est pas là pour les encourager. Il attend. On sait qu’en 2015-2016 c’est beaucoup plus compliqué de rejoindre la Syrie. 

On s’acharne à montrer les liens entre les deux appartements mais il y a surtout les différences : 

  • Les armes : c’est pour se protéger pas spécialement pour un nouvel attentat
  • Les détonateurs : tous les enquêteurs passent à côté lors de la première perquisition alors pourquoi ABDESLAM aurait dû se poser des questions
  • Le rouleau à pâtisserie : on retrouve certes de la farine, des œufs, du lait 
  • La bombonne : pourquoi on a acheté un collier de serrage si c’est pour ne pas l’utiliser
  • Les guirlandes : on a les écoutes de la sûreté de l’État certes qui déclarent que les bombes sont faites à la guirlande de Noël. Mais dans une autre audition, il déclare que ce qu’on appelle des guirlandes, ce sont les inflammateurs. On retrouve la guirlande avec une bouteille de vin rouge et on va soutenir que c’est à eux, ce n’est pas crédible. 

On ne démontre pas la connaissance du projet. Au moment où il peut soutenir le groupe, mourir en héros pour le groupe comme BELKAID, il ne le fait pas. Donc pour montrer le lien, on va chercher une aide qu’il a fournie pour la cellule d’ABAOUD pour les attentats de Paris. Pourquoi alors on ne poursuit pas tous ceux qui ont aidé la première cellule et qui ont aidé à la création de la seconde ?

Il ne faut pas oublier les trois conditions cumulatives : participation, en connaissance de cause et avec volonté. 

Le 19 mars lors de son audition, ABDESLAM reconnait LAACHRAOUI donc oui, il parle, il collabore contrairement à ce qu’on soutenu les parties civiles et le parquet. Le 21 mars, l’avis de recherche concernant LAACHRAOUI est sorti. 

Le parquet n’a jamais démontré cumulativement la connaissance, ni la volonté, ni le fait d’avoir posé des actes activement ou pas omission. 

Il faut donc acquitter Monsieur ABDESLAM des tentatives d’assassinats et assassinats.

Mercredi 21 juin : plaidoirie de Me DE BLOCK et Me DE TAYE (EL HADDAD)

L’audience a repris le mardi 21 juin avec les plaidoiries de Me DE BLOCK et Me DE TAYE, avocats de EL HADDAD. Les propos repris dans la newsletter sont basés sur la plaidoirie des avocats de la défense sans pour autant en être une transcription exacte, comme pour les newsletter précédentes. Les propos donnés ci-dessous ne reflètent pas l’opinion des auteurs de la newsletter.

Il y a une différence entre les charges et les preuves suffisantes. Dans un État de droit, on ne condamne pas sur base de charges mais sur base de preuves établies au-delà de tout doute raisonnable. Quand le doute subsiste, on ne condamne pas. Êtes-vous convaincus que les charges retenues à l’encontre de EL HADDAD sont devenues des preuves suffisantes pour le rendre coupable d’assassinats et de tentatives d’assassinats ?

Aujourd’hui, le parquet demande l’acquittement pur et simple de FARISI alors qu’ils n’ont jamais cru en sa version. C’est la preuve que les débats sont importants, évolutifs, et cela vaut également pour Monsieur EL HADDAD. 

Trois magistrats ont décidé de placer EL HADDAD sous détention électronique en août 2018 et tous les éléments d’enquête sur lesquels se base le ministère public étaient déjà connus. A paris, il a été condamné uniquement pour association de malfaiteurs et non pour assassinats et tentatives d’assassinats avec les mêmes éléments qu’ici. Il n’a pas fait appel, mais sa peine était pratiquement purgée au moment de la condamnation. Il garde espoir, il pense qu’il sera innocenté à Bruxelles et il aura purgé sa peine pour Paris. 

On lui reproche de ne pas faire appel mais le parquet a-t-il fait appel lors de l’acquittement de FARISI dans le dossier Paris bis ? Non, pourquoi ?

Il faut se poser la question essentielle du motif : quel est le motif de EL HADDAD ? Selon les experts, il n’est pas radicalisé. Pour les parties civiles, il l’a fait par amitié. Avez-vous déjà vu quelqu’un assassiner plus de trente personnes, et tenter d’en assassiner des centaines par amitié ? Je n’ai jamais vu quelqu’un assassiner par amitié ! Le seul qui pourrait le faire, c’est un psychopathe, mais c’est exclu dans le chef de EL HADDAD. Il n’est pas psychopathe, il a un travail et des amis, pas de casier judiciaire, il est joyeux, intégré et ça c’est quelqu’un qui va tuer par amitié ? Un non radicalisé, non psychopathe ?

Si EL HADDAD était armurier et non vendeur de stupéfiants, comment expliquer les messages avec son cousin en Suède ? On parlerait de tonnes de kalachnikovs ? Les enquêteurs et les juges d’instruction pensent qu’il s’agit de stupéfiants. Les messages datent d’octobre 2015 et février 2016, en pleine période de soi-disant recherches d’armes par EL HADDAD. 

M. POLINO a indiqué lors de son témoignage que l’on trouvait des kalachnikovs partout à Bruxelles à l’époque, qu’il suffisait d’aller dans un bar et de demander à des yougoslaves. Cela coûtait 1000 à 1500€. EL HADDAD se rendrait aux Pays-Bas pour acheter des armes au prix double en pleine période d’alerte terroriste ? 

Par ailleurs il irait chercher des armes qu’on a déjà ? Les chargeurs sont déjà là mais on aurait pas les armes ?

M. AFADASS a été acquitté aux Pays au bout de 7 ans d’enquête mais ici on vient vous dire que tout ça n’a rien à voir avec EL HADDAD, que cela concerne uniquement son cousin. 

Par ailleurs, si ça avait été l’armurier du groupe, pourquoi ce n’est pas lui qui récupère les armes le 21 mars ? Il a fourni les armes, il aurait pu les écouler également. S’il se rend à l’appartement le 21 mars, avec des kilos d’explosifs, des émanations, des odeurs, pourquoi, le 24 mars, lors de la perquisition à son domicile, le chien explosif ne repère rien. Pourquoi il ne bouge pas ni dans l’appartement ni sur EL HADDAD. 

Et la clé USB, on ne la trouve pas lors de la première perquisition mais à la seconde, on la trouve dans la poche de sa veste ? Alors qu’il disposerait d’une cachette sans faille ? C’est parce qu’il n’a pas mis les pieds à Max Roos le 21 mars comme le prétend le parquet fédéral. Alors qui récupère cette clé USB ? Le 21 mars, EL HADDAD borne à l’antenne Navez qui est celle qui couvre Max Roos mais c’est aussi celle qui couvre le domicile de Monsieur EL HADDAD lorsque l’antenne la plus proche est saturée. Il borne également le 22 mars et le 24 mars sur l’antenne Navez. Mais comment le parquet fédéral peut-il soutenir qu’il était à Max Roos et non à son domicile ? Il borne à l’antenne le 22 mars à 18h mais à Max Roos à ce moment-là, c’est la perquisition qui commence. Et on irait prétendre que Monsieur EL HADDAD serait venu avec son brassard orange ? On ne confie pas la mission de la clé USB à Monsieur EL HADDAD car il n’est pas, contrairement à ce que prétend le parquet fédéral, un membre senior de la cellule. 

Si vous condamnez EL HADDAD, c’est une mort sociale. Le grand oublié de ce dossier, c’est Ibrahim EL BAKRAOUI. C’est un terroriste, mais pour simplifier on va vous faire croire qu’il a été terroriste toute sa vie. Il s’est radicalisé en prison mais il a dupé les assistants sociaux, les gardiens de prison, … Il a roulé tout le monde dans la farine alors qu’il était déjà radicalisé. Il était dans la dualité. Il ne criait pas sur tous les toits qu’il voulait tuer des innocents. 

Quand il sort de prison, il est plus religieux, mais il ne tenait par contre pas de propos radicaux. Jusque-là rien d’illégal, moralement totalement répréhensible mais on niveau de la légalité on y est pas encore. EL AJMI, son grand ami, remarque qu’il est plus religieux mais il ne voit pas la radicalisation. 

Le seul indice de radicalisation, ce sont les deux auditions d’EL HADDAD sur une vingtaine de déclarations. Dans quel contexte EL HADDAD fait-il ses déclarations ? Le 24 mars sans avocat et le 9 juin dans le cadre de sa 2ème arrestation, à nouveau sans avocat. Il se rend compte que s’il va dans le sens des enquêteurs, il est libéré. Il force tellement le trait qu’il dit l’avoir vu avec ATAR, ce qui n’est pas possible puisqu’il prend la fuite dès qu’on lui donne le passeport. 

On a retourné sa vie virtuelle et on a rien trouvé en terme de radicalisation. Le seul truc qu’on trouve, c’est une conversation avec EL BAKRAOUI où il tient des propos limites et EL HADDAD se fout de sa tête. 

On ne vous parle pas beaucoup de Paris bis parce que ce jugement dérange. On y applique deux principes fondamentaux qui posent problème, à savoir la présomption d’innocence et le doute. 

Dans ce jugement on souligne le fait de ne pas convaincre des amis à ne pas renoncer à leurs idées radicales, de ne pas les dénoncer mais cela ne tombe pas sous le coup de la loi pénale. Dans ce jugement, on souligne que le simple fait de rendre visite à EL BAKRAOUI, de lui apporter à manger, ne suffit pas pour les condamner comme participants aux activités d’un groupe terroriste. Ils parlaient à un type plus religieux mais pas à un terroriste. EL BAKRAOUI pouvait sortir et se procurer de la nourriture seul. Pour EL HADDAD, EL BAKRAOUI est celui qu’il a toujours connu, le braqueur. Il faut la preuve qu’il aidait en toute connaissance de cause un terroriste, Abu Souleyman, et non Ibrahim EL BAKRAOUI, braqueur un peu plus religieux. 

EL HADDAD a été condamné à Paris sur base d’informations frelatées : la police belge a souligné que cela ne concernait pas la vente de stupéfiants, que l’enquête aux Pays-bas c’était du lourd (avant jugement), qu’on ne se procurait pas des armes facilement à Bruxelles. Comment seraient rentrés les juges en délibéré s’ils avaient eu les mêmes informations qu’ici. Est-ce que leur décision aurait été la même. Ils ont été mal informés. 

Toutes ces informations tronquées, saucissonnées, il y a un homme derrière tout ça, c’est le procureur fédéral.

  • Les armes : Dans les messages on parle de kilos, avec le prix du kilo de stupéfiant de l’époque. Alors oui, EL HADDAD était un petit trafiquant de drogue pour ça il faut le déclarer coupable mais trafiquant d’armes non. A l’époque le chef de la sureté de l’État vous l’a confirmé, on se procurait des armes facilement à Bruxelles. La Belgique a toujours été une plaque tournante. En Belgique on a plein d’armes et on va chercher au Pays-Bas ? On se concentre sur les Pays-Bas suite aux propos de Krayem, soldat de l’EI, et la revue Tabik, propagande de l’EI et on oublie la piste belge. Donc pour enquêter à l’étranger, on prend la propagande au mot mais ici, on poursuit des morts car ça on ne veut pas croire ce n’est qu’un organe de propagande. Les hollandais n’enquêtent jamais sur les van Gils ! Jamais mais devant le jury, on jette van Gils trafiquant d’arme. De toutes les armes du dossier, y compris à Paris, il n’y en a qu’une seule qui viendrait des Pays-Bas. Simplisme, ridicule, raccourci parce qu’on est face à un jury populaire. 
  • Le mot dans la voiture : C’est l’écriture d’EL BAKRAOUI pas d’EL HADDAD. Or, il prêtait parfois sa voiture. On ne sait pas si EL HADDAD était dans la voiture à ce moment-là. On est face à un braqueur à ce moment-là.
  • Les planques : 
    • Oui EL HADDAD est allé à la rue des Casernes et à la rue Max Roos mais il y a une dizaine de planque. Il n’est pas allé partout. Quant à la rue des Casernes, renvoi à la décision du petit Paris, à la présomption d’innocence et au doute. Ce qui vaut pour EL AJMI vaut pour EL HADDAD. A Casernes, il ne s’est rien passé. EL HADDAD n’est en rien différent d’EL AJMI, ce sont les mêmes arguments. 
    • Max Roos c’est le vrai débat. Oui il s’est rendu à Max Roos mais il n’a jamais contesté. Il serait passé environ le 18 février quand il n’y avait encore personne. Pour l’y placer le 21 mars, on vous montre la téléphonie. Les enquêteurs souligne pourtant qu’il est impossible de décerner une réelle présence d’EL HADDAD car l’antenne desserre également le domicile d’EL HADDAD lorsque son antenne est saturée. 
    • Par ailleurs l’ADN se dégrade mais il est impossible de la dater. C’est le boxon dans l’appartement. Ce n’est pas parce que le carton est là depuis le 19 mars que le gobelet est là depuis le 19. Qu’est-ce qui ne nous permet pas de dire que le gobelet n’était pas là le 18 février. 
    • Il y a également son ADN partiel sur une veste et sur un crosse mais c’est très faible. Les juges d’instruction qui ont des années d’expérience et qui sont indépendants nous disent qu’ils ne peuvent pas se fier à cet ADN car c’est trop faible. 
    • Force est de constater qu’on a aucun élément qui permet de placer EL HADDAD à Max Roos le 21 mars. La téléphonie c’est frelaté et l’ADN cela permet de dire qu’il est passé mais pas quand. État de droit, présomption d’innocence, doute. 
    • Concernant la rue du Dries, ce n’est pas parce qu’on borne une fois à une antenne près d’un domicile qu’on y est spécifiquement. Ce raisonnement est ridicule. 
  • La voiture : ce n’est pas parce qu’on prête sa voiture qu’on participe aux activités d’un groupe terroriste. Il faut encore savoir et vouloir participer. On renvoie à la personnalité de manipulateur d’Ibrahim EL BAKRAOUI. 
  • Les phone shop : Pour le parquet, si un numéro d’un phone shop appelle c’est que c’est Ibrahim EL BAKRAOUI. Il faut faire preuve de nuance. Il y a un numéro qui appelle à deux reprises et on vous dit que c’est Ibrahim et qu’EL HADDAD accourt pour l’aider mais ce numéro il appelle également le 23 mars, c’est le fantôme d’Ibrahim qui appelle ? Le 24 mars 2016, il donne accès à toute sa téléphonie alors comment aurait-il pu la manipuler. 
  • La clé USB : Lors de la perquisition du 24 mars, on ne trouve pas cette clé. On ne démontre pas qu’il a été à l’appartement le 21 mars. Cela montre bien que cette clé lui a été remise plus tard. 

EL HADDAD, il aurait dû être à côté des frères FARISI. On a une dizaine de décisions qui pendant un an ont libéré Monsieur EL HADDAD. EL HADDAD a uniquement été manipulé par Ibrahim EL BAKRAOUI. EL BAKRAOUI prend le risque de sortir faire des achats de précurseurs avec une perruque ridicule ou d’envoyer KRAYEM, sans papier, qui ne parle pas français, alors qu’il aurait pu envoyer EL HADDAD ? 

Il travaille à l’aéroport. Il y a des problèmes de sécurité à l’aéroport, les employés nous disent qu’on pouvait faire rentrer n’importe quoi. Pourquoi il n’aurait pas fait un accès privilégié à ses petits copains terroristes ? 

Ce jour-là comme tout le monde, il appelé toute sa famille, sa copine pour savoir s’ils allaient bien. Pourquoi un homme ordinaire, qui réagit comme tout le monde serait un terroriste ? 

Les avocats d’EL HADDAD demandent l’acquittement pour toutes les préventions. 

Jeudi 22 juin : plaidoirie de Me COHEN (EL MAKHOUKHI)

Le jeudi 22 juin est consacré à la plaidoirie de Me COHEN, avocat d’EL MAKHOUKHI. Me COHEN demande de considérer les faits comme crimes de guerre et axe sa plaidoirie autour de cette demande. Les propos repris dans la newsletter sont basés sur la plaidoirie des avocats de la défense sans pour autant en être une transcription exacte, comme pour les newsletter précédentes. Les propos donnés ci-dessous ne reflètent pas l’opinion des auteurs de la newsletter.

Le pourquoi, c’est souvent un angle mort. On ne le considère parfois pas utile à la démonstration. Mais le pourquoi, c’est ce qui donne de la dimension aux choses. Dans les rapports humains, le pourquoi, on ne peut pas le laisser de côté. Si on prend le temps sur le pourquoi, on jugera mieux la question du comment. 

Comment, c’est déjà complexe. Comprendre l’engrenage, les enchainements, les qualifications. Mais ce n’est pas tout. Pourquoi ces attentats, il a tant raisonné ici. C’est parce que c’est l’Islam salafiste qui déteste la démocratie, c’est facile à dire. Cette phrase-là elle est vide, elle ne répond pas à ce qu’il s’est passé. On est pas dans une lutte des civilisations permanentes, il y a quelque chose de plus fort. 

Comprendre comment c’est arrivé, c’est indispensable pour juger. Le pourquoi, c’est indispensable pour donner du sens. Les mots n’ont pas de sens, ils ont un emploi. Les mots n’ont pas qu’un sens, ils ont des emplois. Cela renvoie aux mots terrorisme et radicalisation. La radicalisation, ce n’est pas une infraction en soi. Le terrorisme, aujourd’hui, ce n’est plus le terrorisme du langage de tous les jours mais c’est le terrorisme juridique, celui du code pénal. 

Il y a un champ du droit où on va appeler des actes « terrorisme », et un champ du droit où on va parler de crimes de guerre (voy. article 141bis Code pénal). Dans le réquisitoire du parquet et dans les plaidoiries des parties civiles, on a utilisé le vocabulaire de la guerre et du terrorisme et on a tout mélangé en disant c’est du terrorisme. Mais il faut faire attention aux mots, à la manière dont on les utilise. Ce n’est pas le même champ. 

Tout le monde n’est pas toujours d’accord sur la définition du mot terrorisme. Il ne suffit pas uniquement d’avoir une attirance pour une idéologie violente. Ce n’est pas non plus le nom à donner à toute personne musulmane qui est en désaccord avec nous. 

Le nom qu’ils se donnent à la DR3, c’est juste « islam » comme si une religion justifiait une enquête. Les mots ont leur importance. On plaide que Monsieur EL MAKHOUKHI est complice des attentats du 22 mars 2016. Mais la finalité de la plaidoirie, c’est de prouver que son rôle est d’être un complice mais complice d’un crime de guerre. 

Pour l’instant, vous avez eu des arguments d’autorité. Mais ici, on va essayer de comprendre d’où on vient. Il y a eu beaucoup de procès pour terrorisme en Belgique, heureusement très peu pour des attaques ayant eu lieu en Belgique. Il faut aller chercher le contexte, juridiquement on a besoin du contexte. On ne peut pas condamner sans jeter un œil dans l’angle mort. 

Question de la légitimation : Selon les parties civiles, notre plaidoirie aurait vocation à légitimer les attentats, à les excuser. Non, on ne revendique pas la légitimité de l’attentat ni dans le champ juridique de la guerre ni du terrorisme. 

Je vais demander une culpabilité pour crime de guerre. Il plaide coupable dans un autre champ juridique. Une attaque de cette ampleur, c’est très particulier. Juger est un travail plus large qu’une simple culpabilité. Pour le terrorisme, il y a cette peur au fond de nous qu’on est tous des victimes du terrorisme. Les faits de terrorisme, cela amène toujours à des règles plus strictes en matière de sécurité. 

Non, le droit de la guerre, ce n’est pas un gros mot, c’est même un crime encore plus grave. Ce n’est pas parce que cela vous semble terroriste que ça l’est, il faut que cela le soit en droit. Le procès c’est cette possibilité de réflexion. Il y a eu cet énorme travail sur le comment pour déterminer qui était où quand. 

Il faut revenir aux origines. L’EI crée en 2016 le cadre d’une violence déshumanisante extraordinaire. Mais il est acculé de tous les côtés et le problème, c’est qu’il a les moyens de riposter. 

Le procès est le lieu du débat judiciaire. La qualification elle est provisoire. Vous allez dire le nom des choses. Qualifier et motiver le pourquoi. Vous allez pouvoir dire ce qui fait sens. La qualification de terrorisme pour les faits du 22 mars, elle est dépendante du contexte. Selon le contexte une infraction peut être du terrorisme en droit pénal ou du terrorisme en droit de la guerre. Même l’infraction de terrorisme dépend du contexte. 

Le terrorisme, c’est la tranquillité impossible. Un article avance que « Le procès ne guérira pas les blessures invisibles, ne ramènera pas les morts à la vie mais qu’ici, c’est la justice et le droit qui auront le dernier mot ».C’est penser que la justice, elle peut arrêter l’ordre du monde. La justice n’aura pas le dernier mot, la décision ne sera pas le dernier mot de l’histoire des accusés. 

Un risque, c’est que certains plaideurs tentent de vous impressionner en raison de votre expérience unique. Durant le procès, on est parti du 22 mars et puis, on a refait tout le parcours, mais ça, c’est une lecture déterministe du dossier. On part de la fin pour voir comment les évènements précédents ont mené à cette attaque. On a une vision trompée car on part de la fin pour voir tous les éléments utiles. Mais si on part du début peut être que cet élément aurait pu avoir un dénouement différent. 

EL MAKHOUKHI rencontre LAACHRAOUI en Syrie. Si on a une lecture déterministe, on pourrait remonter loin jusqu’à cette rencontre en Syrie. Un avocat de la partie civile a avancé qu’ils sont tous rentrés de Syrie avec une mission mais cela ne s’applique pas à EL MAKHOUKHI. Il faut voir l’arbre des possibles, comment on avance dans le temps avec des essais et des erreurs. Il faut analyser si l’aide de Monsieur EL MAKHOUKHI est indispensable ou accessoire. Il ne faut pas avoir l’impression qu’elle est indispensable uniquement en regardant la fin. 

Dans le code pénal, il y a l’article 141 bis. C’est un mécanisme qui fait basculer l’infraction dans un autre champ, celui du droit de la guerre. On bascule du champ juridique du terrorisme au champ juridique de la guerre. Cette grille de lecture, elle permet de comprendre pourquoi cet acte précis a lieu en Belgique. 

Une victime a témoigné qu’elle avait été annihilée, qu’elle en avait été réduite à rien. Mais les personnes qui ont été touchées, elles n’étaient pas rien. Elles étaient si importantes qu’on pensait que ces victimes pouvaient faire basculer une guerre. Ce n’était pas réduire à néant. Ce n’était pas s’en prendre à notre démocratie, c’est un contre discours anti-terroriste purement idéologiste. C’est de la propagande quand on dit qu’ils veulent s’en prendre aux mécréants, qu’ils veulent détruire la démocratie. Cette attaque-là, au milieu de civils innocents, elle est en lien avec d’autres attaques qui se déroulent à 4.000 km en Syrie. Ces attaques sont indétachables en fait et donc également en droit. 

Ce groupe, l’EI qui a en partie une activité terroriste mais qui est en même temps un groupe armé militaire qui a une force de frappe, il a pu venir riposter aux attaques de la coalition. La Belgique, l’EI sont des parties adverses dans un conflit armé. Et donc le droit des conflits armés doit s’y appliquer. Ce droit ne légitime pas les attaques à Maelbeek ou Zaventem mais il donne un cadre. Le droit de tuer, dans le droit de la guerre, ne s’étend pas à tuer n’importe qui, n’importe quand. Dans ce cadre, l’EI a planifié des attaques contre des civils en Belgique. Est-ce que c’est interdit ? oui. Un même groupe peut entrer dans les différents champs. 

 

Bachar El-Assad, 306.000 morts civiles et une place dans le concert des nations. Quand on entend le récit qui a mené à la violence du conflit, cela permet de contextualiser. 

Comment on fait pour encourager des personnes à réaliser de tels actes de guerre ? On utilise l’idéologie car c’est le moteur le plus puissant pour amener quelqu’un à en tuer un autre. 

La Saint-Barthélemy, 25 aout 1572 : pleine lutte de pouvoir en France entre les protestants et les catholiques. On va résoudre ce conflit par une réconciliation, un mariage. Dans les grands massacres, il peut y avoir une part d’opportunité. Il y aura lors de ce mariage, une tentative d’assassinat. Par peur que le conflit s’embrase, il y aura un massacre. Ce massacre se déclenche dans un contexte de violence, depuis des années, des catholiques envers les protestants. Ce massacre n’était pas totalement prévu mais il n’était pas totalement imprévisible non plus. Un massacre, il vient dans son contexte. 

Est-ce qu’il y a d’autre forme de milices ? On peut penser à la légion Charlemagne (seconde guerre mondiale). On parle de 7.000 hommes engagés pour aller combattre sur le front de l’est. Qu’est-ce qu’ils sont devenus ces hommes ? Il n’y a pas si longtemps des milliers d’hommes se sont engagés pour une cause atroce et on a géré ça en le laissant se diffuser dans l’Histoire. Tuer au nom d’une idéologie, ce n’est pas le propre des groupes terroristes salafistes. 

Les parties civiles ont évoqué le procès d’Eichmann. C’est le logisticien de la solution finale et on arrive pas à le faire revenir en Israël. Donc pour le juger, Israël va l’enlever. Du point de vue de l’histoire, c’est essentiel de tenir ce procès mais du point de vue du droit, c’est catastrophique. Pour arriver à un procès extrêmement important sur un crime extrêmement grave, il a fallu commettre une faute de droit majeure. Le droit est clairement imparfait. 

C’est difficile de bien juger. Les choses sont très complexes. 

Quand on parle de l’origine de l’EI, on remonte jusqu’à la guerre d’Afghanistan. On est fin des années 80. Les racines qui remontent à la fin des années 80 et les attaques du 22 mars, c’est 30 ans plus tard, le même groupe, et on voudrait que les choses soit simples. 

Trois témoins ont comparé ce qu’ils ont vu ici à Bruxelles à ce qu’ils ont vu en Afghanistan. L’Afghanistan encore. On collecte les éléments de faits qui nous mène à cette situation de guerre. 

Guerre en Irak, 2003, premier bombardement par les USA. Ce déclenchement est la conséquence du 11 septembre 2001 à savoir que BEN LADEN reste introuvable. Il faut alors trouver une cible de substitution. Saddam Hussein était une cible parfaite. Le président américain, à l’époque, crée un discours dont on sait aujourd’hui qu’il est faux (on parlait de guerre préventive car l’Irak garderait des armes de destruction massive). Cela prouve que la guerre était idéologique avec le projet d’une construction d’un nouvel Irak. On sait aujourd’hui que tout cela est faux. 

Pour comprendre le pourquoi des attentats, il faut remonter dans l’histoire de l’EI. C’est ce que nous dise les experts. Cette racine est ancrée dans la guerre. 

Il y a une différence entre l’entrée en guerre et le déroulement de la guerre. Quand on est en situation de conflit armé, on est indifférent à l’origine de la guerre. Si on doit rester attaché à l’origine, les parties qui combattent ne peuvent pas commettre de crime de guerre. Et c’est pour cela qu’il faut séparer les moments. 

En ce qui concerne l’EI, on est déjà dans le combat. On ne doit pas avoir un regard sur l’origine de la guerre. On est en guerre, comment déterminer ce qui est autorisé ou non. Le droit de la guerre est indifférent à qui est bon ou pas. Les combattants sont sur un pied d’égalité pour mener à la paix. Le groupe EI n’est pas qu’un groupe terroriste. Qualifier de terroriste, c’est une qualification juridique qu’on met sur des faits. Si l’EI se comporte comme un groupe armé organisé dans un conflit armé, il faut lui appliquer le droit de la guerre. Et ça, le fait que l’EI est un groupe armé est reconnu par la jurisprudence. 

En droit belge, il va falloir choisir une qualification entre le droit de la guerre et le terrorisme, on ne peut pas choisir les deux. 

 

Si l’idée de radicalisation aide à comprendre les comportements humains c’est parce que l’humain est un être social mais avec un potentiel de violence. Si la violence commence à s’incarner dans la famille, les amis, cela donne un sens à la vie. Cela mène au récit d’EL MAKHOUKHI. 

La conscientisation politique, ce n’est pas le moteur d’EL MAKHOUKHI. Il n’est pas dans la revendication des droits. Il est dans l’action. Le jugement Sharia4Belgium montre bien que EL MAKHOUKHI n’est pas un membre officiel mais qu’il sympathise. Il est comme ça, il sympathise, il gravite autour. Les débats, cela ne lui parle pas mais les gens qui sont dans l’action, ça, ça l’intéresse à ce moment de sa vie. Son départ est plus opportuniste. Ce n’est pas un départ idéologisé mais une recherche d’action avec des personnes avec lesquelles il a vécu des situations d’adrénaline. 

EL MAKHOUKHI vous dit qu’il a passé les meilleures années de sa vie en Syrie. C’est étrange mais il arrive à vous le dire. Lorsqu’il lit un livre sur le retour des soldats russes en Afghanistan, il remarque d’abord l’arme sur la couverture (« Ca, c’est une bonne arme, j’aurais aimé en avoir une comme ça ») et puis que les officiers russes traitaient mal leurs soldats. Ca ça fait sens pour lui, c’est étrange mais ça fait sens. Son monde il est là-bas, dans une guerre. La haine, elle peut grandir de situations injustes. Lorsqu’il revient en Belgique, il revient avec son vécu de guerre. LAACHRAOUI va réactiver ce vécu de guerre chez EL MAKHOUKHI, réactiver cette violence. 

LAACHRAOUI est une personne fortement impliquée, qui fait sens pour EL MAKHOUKHI. Il le rencontre en situation de guerre et il le rencontre à nouveau en Belgique où on amène la guerre en territoire adverse. On parle de la guerre, de là où on a eu peur, de là on s’est senti vivant. C’est là son monde, c’est étrange mais c’est sa réalité. 

La guerre, elle doit être présente en fait mais également présente en droit. L’acte de guerre peut se définir comme : « Acte de violence pour contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ». Si on reprend la définition du terrorisme dans le code pénal, c’est très proche. L’acte lui-même, c’est le même, c’est la même chose. Mais la qualification est différente. 

Passion meurtrière, calcul de probabilité meurtrière, objectif politique, c’est ce mélange qui fait la guerre. La guerre c’est aussi le nom de l’horreur, le chaos. La réalité de la guerre, elle ne disparait pas si on ne s’y intéresse pas. C’est une situation factuelle. La question est de savoir s’il y avait des militaires belges engagés dans un conflit armé en mars 2016 et non si la Belgique était en guerre. 

 

Le 22 mars, on applique le droit de la guerre comme les fameux garrots parce qu’on constate une situation de guerre. Le droit de la guerre, on l’appelle aussi le droit international humanitaire. Ce qui est humanitaire c’est qu’on va protéger les personnes qui ne participent pas ou plus au conflit. 

Il n’y a pas de conflit armé entre la coalition et l’État irakien ou syrien. Une coalition internationale s’est donc créée contre l’EI. Le conflit armé est donc un conflit armé non international (avec une entité non étatique). Si on a un conflit armé, le droit de la guerre peut être appliqué mais il y a des conditions supplémentaires. 

Il faut une situation de fait. Il y a un conflit armé chaque fois qu’un conflit prolongé existe entre une autorité gouvernementale et des groupes armés organisés. Il y a donc deux conditions essentielles : un conflit prolongé et un groupe armé organisé. Dans ce cas, on applique le droit des conflits armés. Pour le conflit prolongé, il faut vérifier l’intensité du conflit. Le droit de la guerre, c’est un droit qui donne le droit de tuer. Il faut fixer des règles pour ne pas être trop vite dans le champ du conflit armé. 

L’intensité et sa prolongation en Syrie ne fait aucun doute. On est dans un conflit de haute intensité ne fusse que par les armes utilisées. La Belgique envoie des F16 en Syrie et ici, ils utilisent des bombes. Il faut un groupe organisé qui a la capacité de faire respecter le droit. La Belgique est dans le conflit en 2015, elle envoie ses avions, ses avions qui bombardent. 

Dans le droit de la guerre, il existe une règle qui autorise de tuer des civils pendant un conflit armé. Dans l’art. 136quater (§ 1, 22°), on incrimine deux types de dommages collatéraux : le dommage disproportionné et proportionné mais incompatible avec le droit des gens. On prévoit une situation où si des civils sont bombardés, ce n’est pas un crime. Ce n’est pas le cas du 22 mars mais c’est pour montrer comment le droit de la guerre nous fait penser différemment. En Syrie, on a l’impression que tous les civils sont des dommages collatéraux. Et c’est quelque chose qui est insupportable pour les gens sur place. Est-ce qu’on a vérifié pour les frappes de la coalition si on rentrait dans les conditions des dommages collatéraux ? Personne n’est allé vérifier cela. 

Voir pièce D5 du dossier de Cohen, jugement qui montre des condamnations des membres de l’EI pour des crimes de guerre. Cela montre bien que c’est un conflit armé qui doit être jugé comme tel. 

Le champ du terrorisme 

Le discours du eux contre nous, c’est le meilleur moyen de reproduire la propagande de l’EI. Mais avec l’étiquette terrorisme c’est difficile. Vous n’êtes pas le dernier rempart de la civilisation, on est dans une situation de contexte où l’EI était en conflit notamment avec la Belgique. Pour que ça soit terroriste, il faut que cela soit dans un contexte spécifique. Si le contexte n’est pas terroriste, ce n’est pas une infraction terroriste. 

Daesh a souvent utilisé la coalition pour justifier ses attaques. « Vous nous attaquez, on riposte ». On constate également que les cibles privilégiées sont les États membres de la coalition. Dans l’arrêt de Paris, on souligne le caractère incontestablement terroriste de l’infraction. Ce sont des arguments identiques à ceux de l’article 137 Code pénal mais ce sont également des éléments rigoureusement identiques au droit de la guerre. On ne sait donc pas déterminer si on est dans une situation de guerre ou de paix. Ce n’est pas parce que ça à l’air terroriste que c’est du terrorisme. 

Il y a des grandes difficultés avec la lutte contre le terrorisme dont la question de la torture. La torture c’est un sujet qui traverse toute la question de la lutte anti-terroriste. Elle affecte non seulement la personne elle-même mais aussi la famille. C’est d’autant plus déstabilisant lorsqu’elle est réalisée par les autorités étatiques. 

On a parlé de la torture pour ATAR. Si ATAR, EL ADNANI, … ont été détenus dans des prisons où la torture était systématique et qu’on ne l’intègre pas dans l’équation, ce n’est pas possible. Si on se rend compte que les chefs de l’EI ont pu subir la torture, il faut aussi se poser la question. Ce n’est pas une question de guerre, mais une question de comment on la fait. La torture est interdite même en guerre. 

La Belgique n’est pas en reste. On a utilisé des preuves obtenues sous la torture par d’autres pays dans d’autres dossiers. Et la Belgique a été condamnée pour cela. Mais cela c’est quoi, c’est du blanchiment de la torture. Il ne faut pas oublier cette violence absolue. Et on ne vient jamais la réparer. Ces histoires font partie de la lutte anti-terroriste belge. Les avions de la coalition qui ont continué leurs frappes et qui les ont augmentées pour faire des centaines de victimes par mois. La Belgique a réagi par la guerre contre l’EI. C’est un fait. Les militaires sont dans un conflit armé. Il faut avoir à l’esprit cette violence qui est fait en notre nom à tous puisque c’est l’État qui agit. 

On en exécute certains avec des armes de guerre (ATAR) mais pour les autres, on les juge avec le droit pénal, ça n’a pas de sens. ATAR a été exécuté, ça a été dit en audience. 

Si on applique le droit pénal, il n’y a de droit pour personne. Si quelqu’un est dans un conflit armé, il faut lui appliquer le droit de la guerre. C’est d’ailleurs le vocabulaire qui a été utilisé. On fait la guerre au terrorisme. Monsieur FAMI souligne que les attentats du 22 mars 2016 surviennent dans un contexte de guerre contre le terrorisme. La coalition répond à la proclamation du Kalifa. Cela renforce la violence. 

 

Ce qui est dit dans les audios et écrit dans les lettres des auteurs, y trouve-t-on le lien direct entre le conflit armé et les frappes en Belgique ? Si on y trouve ces éléments, la preuve est faite qu’on est en lien avec le conflit. Au moment de décider la cible, le dernier message n’a pas de réponse mais ça n’a pas de conséquence sur la ligne de conduite. Les membres de la cellule sont les exécutants des décideurs de l’EI en conflit armé avec la Belgique. 

ATAR est le n-1 de EL ADNANI qui est lui-même le n-1 de EL BAGDADI, chef de l’EI. Jusqu’à LAACHRAOUI, on tient en 4 personnes. Ce sont les dirigeants de l’EI qui ont commandité les attentats.  Les messages audios sont clairs. On y retrouve le récit structuré de LAACHRAOUI. Il est clair et précis, il veut qu’on fasse de l’ingénierie militaire. Ils font la même chose que l’armée. Je ne prive personne en disant que ce qui s’est passé c’est la guerre. Dans la revendication de cet attentat, on retrouve que ces attaques sont en lien direct avec les décisions politiques. 

En France, il y a des gens qui ont répondu de manière isolée à l’appel d’EL ADNANI. Le 13 novembre et le 22 mars, ce sont des évènements spécifiques car ils sont directement mis en œuvre par le régime de l’EI. Ils sont le fruit d’une ligne de commandement parfaitement identifiée. 

Question du lien géographique. Il y a une attaque qui a eu lieu en Belgique. La Belgique est impliquée dans le conflit en Syrie mais quid de son territoire ? 

L’approche reste territoriale mais doit être étirée aux territoires des États impliqués dans le conflit. La Belgique transforme son territoire en zone de conflit. On peut donc considérer que le territoire belge est en conflit. La question n’est pas qu’il n’y a pas de guerre en Belgique mais qu’elle est impliquée dans un conflit armé et donc elle prend le risque que ce conflit vienne en Belgique. 

 

Art. 136septies, 4° CP prévoit les modes de participation dans le cadre des crimes de guerre. 

La question de l’application de l’article 141bis CP, c’est une question qui ressort des débats, elle n’est pas inventée. Ce n’est pas une défense nouvelle. L’art. 141bis ne vous permet pas de répondre oui aux questions du champ du terrorisme. Il s’agira de répondre oui à la même question mais sous la forme de crime de guerre. 

Pourquoi ? C’est la question qu’on se posait. Qu’est-ce qui donne du sens. La qualification en crime de guerre, elle va aider à avancer. Nier le conflit, c’est empêcher de le voir se résoudre. Le cadre du terrorisme, il n’est pas intelligible, il est trop lointain. Ici, c’est la violence du conflit amené sur le territoire d’un de ses membres à 4.000 km. Une guerre, on peut en sortir, pas le terrorisme. Il faut être capable de dire la paix. Dire la guerre, cela permet de donner un nom à ce qui suit, la paix. 

Les armes qu’il aurait reprises, elles ne changent pas le niveau de dangerosité en Belgique puisqu’on s’en procurait comme des petits pains. Il est très dur pour un combattant de se dessaisir de ses armes. Il faut se débarrasser des armes mais il ne veut pas impliquer quelqu’un d’autre. Il prend ce risque pour lui-même. 

EL MAKHOUKHI : « Pour moi les victimes avant de les voir c’était des chiffres. De les avoir vu, on se rend compte à quel point c’était cruel. La cruauté qui leur est arrivée est le résultat d’actes beaucoup plus cruels ». 

C’est un homme dur EL MAKHOUKHI. Mais cela montre sa prise de conscience. Il ne dit pas qu’il s’en fout du pardon mais il pense que cela doit venir de lui. Comprendre la souffrance de EL MAKHOUKHI, celle des victimes, de la société. Il faut comprendre la résonnance, les liens. Reconnaitre le droit de la guerre, c’est le raisonnement le plus juste en droit et un pas vers la réconciliation. Votre jugement apportera un apaisement.  

Soutien et défense

V-Europe fournit un soutien à toute victime de terrorisme qui le demande. Au moins un de nos coordinateurs est présent chaque jour au procès, et porte une veste blanche distinctive avec le logo de V-Europe dans le dos. N’hésitez pas à leur faire remarquer votre présence si vous le souhaitez. Plus d’informations sur nos coordinateurs sur le site web de V-Europe, en appelant ce numéro : +32 10 86 79 98 ou par mail : info@v-europe.org.

Vous souhaitez être défendu lors du procès ? V-Europe a mis en place un collectif d’avocats qui défendent les victimes pendant le procès. Guillaume Lys, Nicolas Estienne, Adrien Masset et Sanne de Clerck joignent leurs forces pour vous défendre pendant ce long procès. Plus d’informations ici ou par mail à l’adresse 22-3@v-europe.org.  

Votre avis nous intéresse !

Vous avez des conseils ou remarques pour améliorer la newsletter ? N’hésitez pas à envoyer un mail à Florian Jehin : florian.jehin@v-europe.org.

Vingt-sixième semaine du procès
Newsletter résumant la vingt-sixième semaine du procès (05/06/2023)